La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

vendredi 3 août 2018

Le mage révèle quelques dons (G XXX)

Dans cette rubrique paraît une série d’articles portant sur la connaissance de soi,
articles se composant d’extraits de l’enseignement de G. I. Gurdjieff,
selon les notes prises par P. D. Ouspensky, l’un de ses élèves.
G. I. Gurdjieff tenait sa connaissance de la « tradition ancienne ».

Ma motivation : se désenvoûter (un max. d'entre nous).
 
     Soyez votre propre flambeau et votre propre recours.
– Sagesse orientale
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P. D. Ouspensky consacre un chapitre à faire le point sur son avancement.
Ensuite,
il raconte quelques expériences extraordinaires vécues auprès de G. I. Gurdjieff,
mais on reste sur sa faim car il écrit qu’il ne parvient pas à en parler,
qu’il ne peut pas, qu’il prend conscience que Gurdjieff a raison
de prétendre qu’il « faut être dans un certain émotionnel »
pour comprendre certains événements,
pour saisir ou capter certains phénomènes.

Pour situer le cadre :
un petit groupe est parti en Finlande, où se trouve Gurdjieff.
Gurdjieff les brusque et les confronte à eux-mêmes
en leur dévoilant leurs « traits et défauts principaux ».

Je comprends, du témoignage d’Ouspensky,
que Gurdjieff s’attaque à leurs personnalités (sociales)
afin que leurs essences se révèlent, leurs véritables natures ou « types ».

P. D. Ouspensky se décrit comme « effrayé » et mal à l’aise
durant ce séjour en Finlande, riche en « miracles ».
Il précise à ce sujet :
« Et c’est alors que le "miracle" commença.
Je peux absolument certifier que Gurdjieff n’eut recours à aucun procédé extérieur,
c’est-à-dire qu’il ne me donna aucun narcotique
et ne m’hypnotisa selon aucune des méthodes connues. »
Dans un état intérieur de nervosité,
Ouspensky va vivre plusieurs expériences de communication télépathique.
Gurdjieff lui parlait directement de/à l’intérieur (d’Ouspensky)
et ce, à plusieurs reprises :
une fois alors qu’ils étaient tous réunis, puis plusieurs fois à distance.

Durant la nuit de la deuxième journée, en Finlande,
Gurdjieff a "parlé" à Ouspensky par télépathie, pour la première fois.
Au réveil,
Gurdjieff se trouve avec les autres participants quand arrive Ouspensky :
- Demandez-lui ce qui est arrivé la nuit dernière, dit Gurdjieff,
quand je fus auprès d’eux.
Pour quelque raison cela m’irrita (je rappelle que c’est Ouspensky qui écrit).
Je fis demi-tour et me dirigeai vers la terrasse.
Au moment de l’atteindre, j’entendis de nouveau la voix de Gurdjieff dans ma poitrine :
- Stop !
Il revient et s’assied avec les autres. Ouspensky pense à des choses, renfermé sur lui.
Gurdjieff, tout en parlant avec les autres, s’adresse de temps en temps à Ouspensky
en répondant aux questions qu’il se pose intérieurement (non formulées verbalement) !
Ceux qui étaient assis à nos côtés nous regardaient, perplexes.
Gurdjieff avait répondu à mes pensées.

Après trois jours en Finlande, Ouspensky retourne en Russie.
Alors qu’il est seul, marchant dans la rue (de St-Pétersbourg),
il se rend compte qu’il est « éveillé » car, écrit-il,
les gens qu’ils croisaient étaient « endormis » :
Et soudain, je me vis dans la situation du prince de la "Belle au Bois dormant".
Autour de moi, tout le monde était endormi.
C’était une sensation précise, qui ne laissait place à aucun doute.
Trois semaines plus tard, redevenu comme d’ordinaire, plus ou moins,
Ouspensky écrit :
Je compris même tout à fait clairement une vérité importante,
à savoir que nul d’entre les phénomènes d’ordre supérieur,
– appelés parfois "métaphysiques" – c’est-à-dire
transcendant la catégorie des faits ordinaires, observables chaque jour,
ne peut être observé ni étudié par des « moyens ordinaires »,
dans notre état ordinaire de conscience,
comme on étudie des phénomènes physiques.
C’est une complète absurdité de penser que l’on peut étudier des phénomènes
tels que "télépathie", "clairvoyance", "prescience", "phénomènes médiumniques", etc.,
de la même façon que l’on étudie l’électricité,
les phénomènes météorologiques ou chimiques.
Il y a, dans les phénomènes d’ordre supérieur, quelque chose qui requiert,
« pour leur observation et leur étude », un état émotionnel particulier. 

* * *

Plus avant, P. D. Ouspensky revient sur l’enseignement qui a repris, en Russie.

En parlant des « traits » et « défauts » principaux, G. I. Gurdjieff explique
que ce trait (de personnalité) est comme compulsif, "plus fort que nous".
Il dit à l’un des élèves :
(…) Et si vous trouvez un moyen de lutter contre ce trait et de le détruire,
c’est-à-dire de détruire sa « manifestation involontaire », (…)
Concernant ce « trait principal » à détruire, qui agit inconsciemment,
mécaniquement (« manifestation involontaire »), G. I. Gurdjieff précise :
Les gens avec lesquels nous vivons voient toujours notre trait principal,
si caché qu’il puisse être.
Naturellement, ils ne sont pas toujours en état de l’exprimer.
Mais leurs définitions sont souvent très bonnes ou très approchées.
Prenez les sobriquets, ils définissent parfois très bien le trait principal.

Plus avant, P. D. Ouspensky raconte une anecdote.
Je la retranscris car il en ressort plusieurs choses,
comme la difficulté de communiquer et de se comprendre,
de porter de l'attention à ce qu'il se passe et aux autres, etc. :
Mon désir était grand d’introduire auprès de Gurdjieff quelques-uns de mes amis
(…)

un seul, mon vieil ami le journaliste, me donna l’impression d’être suffisamment vivant.
(…)
Gurdjieff convoqua une quinzaine des siens et arrangea un repas, somptueux (…)

nous gardions tous le silence (…) Puis il (l’ami d’Ouspensky) commença à parler.
Il parla de la guerre (…) puis il parla de (….) et parla (…)
Ni Gurdjieff ni personne ne dit un seul mot. J’étais sur le point d’intervenir,
de crainte que A. (son ami) ne s’offensât, mais Gurdjieff me lança un regard si féroce
que je m’arrêtai court. D’ailleurs mes craintes étaient vaines.
Le pauvre A. ne remarquait rien, il était tout à son bonheur de parler,
et tellement pris par ce qu’il disait, par sa propre éloquence,
qu’il ne s’interrompit pas un seul instant
(…)

Puis, avec beaucoup de chaleur, il serra les mains de Gurdjieff
et le remercia pour sa "très intéressante conversation".
Gurdjieff, me regardant, eut un rire malicieux. (…)
- Eh bien, vous avez vu ? dit Gurdjieff, lorsque A. fut sorti.
C’est ce qu’on appelle un homme intelligent,
mais il n’aurait rien remarqué, quand bien même je lui aurais enlevé son pantalon.
Laissez-le donc parler, il ne désire que cela, et tout le monde est ainsi. (…)
Et c’était peut-être la seule fois de sa vie qu’il avait une chance d’entendre la vérité ;
mais il a parlé tout le temps.

Relevons d'ores et déjà, dans les extraits de bilan qui vont suivre :
1) l’importance de l’émotion ;
2) l’importance du sacrifice, que G. I. Gurdjieff va expliquer,
en précisant ce qu’il s’agit de sacrifier exactement.
G. I. Gurdjieff demande à P. D. Ouspensky :
- A votre avis, qu’avez-vous appris de plus important jusqu’à ce jour ?
- Les expériences que j’ai eues au mois d’août, naturellement.
(Ouspensky fait allusion aux trois jours passés en Finlande,
où il s’est retrouvé un état d’éveil et où,
Gurdjieff et lui-même ont conversé par télépathie).
Si j’étais en mesure de les provoquer à volonté et d’en faire usage,
je n’en demanderais jamais plus,
car je pense que je pourrais alors trouver tout le reste par moi-même.
Mais je sais en même temps que ces "expériences" –
je choisis ce mot parce qu’il n’y en a pas d’autre,

mais vous savez bien ce dont je parle (d’un signe de tête, il acquiesça) –
dépendaient de l’état émotionnel où je me trouvais alors.
(…)

Comment cet état émotionnel peut-il être créé ? (…)
- De trois façons, répondit Gurdjieff. Premièrement,
cet état peut venir de lui-même, par hasard.
Deuxièmement, quelqu’un d’autre peut le créer en vous.
Et troisièmement, vous pouvez le créer vous-même. Choisissez.
(…)
- Je veux le créer moi-même, naturellement, dis-je (Ouspensky).
Mais comment faire ?
- Je vous l’ai déjà dit auparavant : le sacrifice est nécessaire, répondit Gurdjieff.
Sans sacrifice, rien ne peut être atteint.
Mais s’il est une chose au monde que les gens ne comprennent pas,
c’est bien l’idée du sacrifice. Ils croient devoir sacrifier quelque chose qu’ils ont.
Par exemple, j’ai dit un jour qu’ils devaient sacrifier "foi", "tranquillité", et "santé".
Ils le prennent à la lettre.
Comme s’ils avaient la foi, la tranquillité, ou la santé.

Tous ces mots doivent être mis entre guillemets.
En fait, ils n’ont donc à sacrifier que ce qu’ils imaginent avoir,
et ne possèdent nullement en réalité.
Ils doivent faire le sacrifice de leurs fantaisies.
Mais cela est difficile pour eux, très difficile.
Il est beaucoup plus facile de sacrifier des choses réelles.
Non, ce que les gens doivent sacrifier, « c’est leur souffrance » :
rien n’est plus difficile à sacrifier.
Un homme renoncera à n’importe quel plaisir plutôt qu’à sa propre souffrance.
L’homme est ainsi fait, qu’il y tient plus qu’à tout.
Et pourtant, il est indispensable d’être libre de la souffrance.
Quiconque n’en est pas libre, quiconque n’a pas sacrifié sa souffrance,
ne peut pas travailler (sur soi).
(…)
Rien ne peut être atteint sans la souffrance,
mais en même temps, il faut commencer par la sacrifier.
Maintenant, déchiffrez ce que cela veut dire.

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