Extraits de Citadelle, de Antoine de Saint-Exupéry
(la présentation et la mise en gras sont de mon fait)
Citadelle de Jaisalmer - Rajasthan - Inde |
Un message d’actualité :
Nous n’avons qu’une action importante à entreprendre :
Il n’est jamais que du présent à mettre en ordre.
À quoi bon discuter cet héritage ?
L’avenir, tu n’as point à le prévoir mais à le permettre.
Et certes tu as du travail quand le présent t’est fourni comme matériau.
Ne pas renoncer.
Mais, renoncer à quoi ?
Ainsi n’écoute jamais ceux qui te veulent servir
en te conseillant de renoncer à l’une de tes aspirations.
Tu la connais, ta vocation, à ce qu’elle pèse en toi.
Et si tu la trahis c’est toi que tu défigures,
mais sache que ta vérité se fera lentement car elle est naissance d’arbre
et non trouvaille d’une formule, (…)
Car l’être neuf qui est unité dégagée dans le disparate des choses
ne s’impose point à toi comme une solution de rébus,
mais comme un apaisement des litiges et une guérison des blessures.
Et son pouvoir, tu ne le connaîtras qu’une fois qu’il sera devenu.
C’est pourquoi j’ai toujours honoré d’abord pour l’homme,
comme des dieux trop oubliés,
le silence et la lenteur.
Pour autant que Dieu nous juge,
Il nous jugerait en cas d'égarement (se délier de Soi à l'intérieur et du vivant à l'extérieur).
Voici ce que A. de St-Exupéry a écrit (c’est bref, mais attention au détail révélateur) :
Sache de Dieu, quand tu viens dans son temple, qu’Il ne te juge plus, mais te reçoit.Note : nous verrons plus avant qu’un temple, pour l’auteur, est autant extérieur, tangible,
qu’intérieur. En notre intériorité : un empire, des paysages et, selon chacun,
une citadelle, un temple, un palais, un jardin, etc.
L'extrait qui suit explique la manœuvre, l’enchantement que procure le capitalisme :
Ceux-là sont nés de la morale que t’ont enseignée les marchands,
lesquels veulent placer leurs marchandises.
Tu crois que ta joie vient de recevoir et d’acheter,
comment te souviendrais-tu du contraire
quand on a fait tellement d’efforts pour te créer des liens avec l’objet ?
Et certes l’objet est grand quand tu te donnes à lui.
Quand tu as essayé d’échanger ton travail contre la lumière de la pierre.
Car elle peut être religion.
Et j’ai connu cette courtisane
qui échangeait contre des perles incorruptibles sa chair périssable.
Je ne méprise point un tel culte.
Mais l’objet est bas quand tu te le soumets comme un encensoir.
Car en vérité il n’est rien en toi à encenser.
Cependant je donne un jouet à l’enfant
et il s’enfuit avec son trésor de peur que je le lui reprenne.
Mais c’est qu’il s’agit d’une idole pour laquelle dès les premières ronces il saignera.
(…)
Ils croupissaient dans l’illusion du bonheur qu’ils tiraient de biens possédés.
Alors que le bonheur n’est que chaleur des actes et contentement de la création.
Ceux qui n’échangent plus rien d’eux-mêmes et reçoivent d’autrui leur nourriture,
fût-elle la meilleure choisie et la plus délicate, ceux-là mêmes qui, subtils,
écoutent les poèmes étrangers sans écrire leurs propres poèmes,
jouissent de l’oasis sans la vivifier,
usent des cantiques qu’on leur fournit,
ceux-là s’attachent d’eux-mêmes à leurs râteliers dans l’étable
et, réduits au rôle de bétail sont prêts pour l’esclavage.
(…)
L’ordre que je fonde, c’est celui de la vie.
Car je dis qu’un arbre est en ordre,
malgré qu’il soit à la fois racines et tronc et branches et feuilles et fruits,
et je dis qu’un homme est en ordre, malgré qu’il ait un esprit et un cœur,
et ne soit point réduit à une fonction comme le serait de labourer ou de perpétuer l’espèce,
mais qu’il soit à la fois celui qui laboure et qui prie, qui aime et résiste à l’amour,
et travaille et se repose, et écoute les chansons du soir.
Mais tels ont reconnu que les empires glorieux étaient en ordre.
Et la stupidité des logiciens, des historiens et des critiques leur a fait croire
que l’ordre des empires était mère de leur gloire,
quand je dis que leur ordre comme leur gloire était le fruit de leur seule ferveur.
Pour créer l’ordre je crée un visage à aimer.
Mais eux se proposent l’ordre comme une fin en soi,
et un tel ordre, quand on dispute sur lui, et le perfectionne,
devient d’abord économie et simplicité.
Et l’on t’élude ce qui est difficile à énoncer,
alors que rien de ce qui importe véritablement ne s’énonce
et que je n’ai point connu encore un professeur
qui sût me dire simplement pourquoi j’aimais le vent dans le désert sous les étoiles.
Et l’on s’accorde sur l’usuel car est aisé le langage qui exprime l’usuel.
Et l’on peut dire sans craindre un démenti qu’il vaut mieux trois sacs d’orge qu’un seul.
(…)
L’ordre est le signe de l’existence et non sa cause.
(…)
Mais celui-là se trompe qui crée un ordre de surface,
ne sachant dominer d’assez haut pour découvrir le temple, le navire ou l’amour
et, en place d’un ordre véritable, fonde une discipline de gendarmes
où chacun tire dans le même sens et allonge le même pas.
Car si chacun de tes sujets ressemble à l’autre tu n’as point atteint l’unité,
car mille colonnes identiques ne créent qu’un stupide effet de miroirs et non un temple.
Et la perfection de ta démarche serait, de ces mille sujets,
de les massacrer tous sauf un seul.
(…)
Ne trébuche donc point dans ton langage.
Si tu imposes la vie tu fondes l’ordre
et si tu imposes l’ordre tu imposes la mort.
L’ordre pour l’ordre est caricature de la vie.
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Beaucoup à réfléchir, une fois de plus. L'ordre pour l'ordre tout à fait. On revient aux tenants et aux aboutissants à la fin et au moyens, au pour quoi. Merci.
RépondreSupprimer;)
SupprimerJ'crois qu'on confond un peu tout.
Carrément et moi le premier !
RépondreSupprimerAh ben non, c'est moi le premier !
SupprimerBah, tant pis, le dernier est le premier, alors reste premier.
;))
Ce qui me parle énormément c'est :"Ceux-là sont nés de la morale que t’ont enseignée les marchands,lesquels veulent placer leurs marchandises." oui, les marchands créent les besoins inutiles.
RépondreSupprimerEt aussi :"L’avenir, tu n’as point à le prévoir mais à le permettre." et pourtant nous faisons tout le contraire en ce moment !
et encore : " Ils croupissaient dans l’illusion du bonheur qu’ils tiraient de biens possédés. Alors que le bonheur n’est que chaleur des actes et contentement de la création." ça, c'est exactement comment je perçois mon ex qui croule sous les objets et qui est heureux quelques minutes quand il achète un objet mais qui est si malheureux dans sa vie ! A tel point qu'il a préféré rester avec ses objets plutôt qu'avec sa famille !
... et pourtant nous faisons tout le contraire ...
SupprimerTêtes à l'envers, monde à l'envers.
De lire le choix de ton ex m'a fait rire, Vi,
tout en ayant conscience que c'est... triste, tragique ? Pour lui avant tout...
triste et tragique pour lui mais aussi pour ses enfants ! :(
Supprimeret pour toi aussi
SupprimerVi, sont adultes vos enfants, maintenant.
Relation avec leur père ou non, ils doivent avancer en ce monde.
(Et je les plains, tous les enfants et les jeunes gens.
Nous, on a vécu quelque chose, et pas assez réagi à l'ignominie...)