La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

samedi 2 mai 2020

Citadelle, une place pour chacun (VII)


Comme vu, Antoine de St-Exupéry a parlé d’efforts qui font participer le corps
et qui doivent avoir du sens pour la personne.
Il parle aussi de notre rapport au devoir :
Tu reconnaîtras un devoir, à ce que d’abord il n’est point de toi de le choisir.

C’est pourquoi se trompent ceux-là qui cherchent à plaire.
Et pour plaire se font malléables et ductiles.
Et répondent d’avance aux désirs.

Et trahissent en toute chose afin d’être comme on les souhaite.

Continuant sur le sujet du devoir bafoué par besoin de plaire,
l'auteur aborde la relation de couple :
Ainsi les femmes elles-mêmes se lassent-elles de qui les aime
quand celui-là pour montrer son amour accepte de se faire écho et miroir,
car nul n’a besoin de sa propre image.
Mais j’ai besoin de toi qui est bâti en forteresse avec ton noyau que je rencontre.
Assieds-toi là car tu existes.
Celui-là qui est d’un empire, la femme l’épouse et se fait servante.

L’amour qui prie est beau,
mais celui qui supplie est d’un valet.


De l’utilité et des vérités de chacun,
chacun, ensemble, formant une communauté (ou société) :
Mes gardes-chiourme en savent plus long sur les hommes que n’en savent mes géomètres.
Fais-les agir et tu jugeras.
Ainsi du gouvernement de mon empire.
Je puis bien hésiter entre les généraux et les gardes-chiourme.
Mais non entre ceux-là et les géomètres.
Car il ne s’agit point de connaître les mesures
ni de confondre l’art des mesures avec la sagesse,
« connaissance de la vérité », disent-ils.

Oui. D’une vérité laquelle permet les mesures.
Et certes tu peux maladroitement te servir de ce langage inefficace pour gouverner.
Et tu prendras laborieusement des mesures abstraites et compliquées
que tu eusses simplement pu prendre en sachant danser,
ou surveiller les geôles. Car les prisonniers sont des enfants.
Ainsi des hommes.


Ils assiégeaient mon père :
« Il est à nous de gouverner les hommes. Nous connaissons la vérité. »
Ainsi parlaient les commentateurs des géomètres de l’empire.
Et mon père leur répondait :
« Vous connaissez la vérité des géomètres…
- Eh quoi ? n’est pas la vérité ?
- Non, répondait mon père.
- Ils connaissent, me disait-il, la vérité de leurs triangles.
D’autres connaissent la vérité du pain (…)

Bien que de leurs mains sorte un pain craquant et qui te fait les dents joyeuses,
les pétrisseurs de pain ne viennent cependant point solliciter de moi le gouvernement de l’empire.
- Peut-être, dis-tu vrai des commentateurs des géomètres.
Mais il est des historiens et des critiques.
Ceux-là ont démontré les actes des hommes.

Ils connaissent l’homme.
- Moi, dit mon père,
je donne le gouvernement de l’empire à celui-là qui croit au diable.

Car, depuis le temps qu’on le perfectionne,
il débrouille assez bien l’obscur comportement des hommes.
Mais certes le diable ne sert de rien pour expliquer des relations entre des lignes.
C’est pourquoi je n’attends point des géomètres qu’ils me montrent le diable dans leurs triangles.
Et rien de leurs triangles ne les peut aider à guider les hommes. (…)
Je refuse donc à la tête de mon empire les commentateurs des géomètres
qui vénèrent comme idole ce qui a servi à bâtir
et, de ce que les émeut un temple, adorent son pouvoir dans les pierres.

Ceux-là me viendraient gouverner les hommes avec leurs vérités pour triangles.

Celui-là qui lit une lettre d’amour s’estime comblé quels que soient l’encre et le papier.
Il ne cherchait l’amour ni dans le papier ni dans l’encre.

Il m’apparut donc que les hommes, soumis aux illusions de leur langage
et ayant observé qu’est fertile de démonter l’objet pour acquérir des connaissances,
ayant constaté de cette méthode l’efficacité foudroyante,
ruinèrent leur patrimoine.
Car ce qui est vrai,
et sans doute non absolument de la matière,
devient faux pour l’esprit.

A l'intérieur de la Citadelle de Jaisalmer - Rajasthan - Inde

Ton sens est fait du sens des autres, que tu le veuilles ou non.
Ton goût est fait du goût des autres, que tu le veuilles ou non.
Ton acte est mouvement d’un jeu. Pas d’une danse.
Je change le jeu ou la danse et je change ton acte en un autre.
Tu bâtis tes remparts à cause d’un jeu,
tu les détruiras toi-même à cause d’un autre.

Car tu vis non des choses mais du sens des choses.

 _______________________________________________________

4 commentaires:

  1. Ton sens est fait du sens des autres, que tu le veuilles ou non.
    Cela me parle très fort. Merci.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ;)
      (t'as dû ré-expérimenter cela ces 2 derniers jours)

      Supprimer
  2. Je l'expérimente chaque jour et en effet ces deux jours connectés sur le monde d'après m'ont énormément apporté. Il y a eu des débats, des prises de paroles et des positions très fortes. Les créations artistiques sont toujours disponibles sur le site. Il y a des perles. Belle journée à toi.

    RépondreSupprimer