La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

dimanche 31 mars 2019

De l'introspection (V)

Ce que Paul Diel explique concernant le travail de la psyché peut aider, chacun,
à mettre de l’ordre en son monde intérieur :
Le travail précis du psychisme consiste à élaborer, à partir des désirs,
les décisions volontaires, préludes des activités.

P. Diel poursuit. Il va parler « d’appétences élémentaires »,
ce qu’on peut relier aux besoins fondamentaux* décrits par A. Maslow.

Notons que P. Diel rattache le désir au corps (en plus du psychisme) :
Le désir est à la fois phénomène psychique et phénomène somatique.
(…)
Les désirs humains sont la conséquence de l’ « explosion » des appétences élémentaires
en une multitude de convoitises, déterminant la gamme des sentiments humains qui, tous, oscillent entre joie et angoisse.
La joie s’attache au désir sensé et comblé ;
l’angoisse, principe de toutes les maladies psychiques,
s’attache au désir devenu morbide parce que insidieusement exalté
au-delà de toute réalisabilité sensée.
L’angoisse est le désir lui-même, ayant perdu l’espoir de satisfaction.
(…)
La qualité suprême du travail intrapsychique est l’objectivité
à l’égard des désirs et de leurs promesses de satisfaction, sensées ou insensées.

Rappel : l’introspection peut être morbide ou lucide.
L’introspection morbide justifie (faussement) notre incohérence
et notre désordre intérieur ainsi que nos actes dysharmonieux et insensés.
L’introspection lucide s’effectue consciemment, de façon volontaire et contrôlée ;
alors que l’introspection morbide s’effectue toute seule, le plus souvent à notre insu.
La maladie psychique consiste à s’enfermer
– par une introspection morbide et faussement justificatrice –
dans une partialité croissante.
Par « partialité », P. Diel entend un manque d’objectivité envers soi-même ; c’est-à-dire que,
soit on se surestime, soit on se sous-estime ; ce qui fausse notre jugement global,
tant intérieur (portant sur la réalisabilité de nos désirs)
qu’extérieur (porté sur nos activités et implications).


L'introspection

Paul Diel nous en apprend davantage sur l’introspection qui, précise-t-il,
a mauvaise presse dans le milieu médical ainsi que dans le public,
pourtant :
Nous nous introspectons tout au long de la journée sans même le savoir.
C’est dire que l’introspection habituelle est privée de lucidité.
S’introspecter signifie : s’occuper de la vie intime des désirs.

« S’occuper de la vie intime des désirs » consiste notamment à y mettre de l’ordre.
En triant le vain de l'essentiel et utile, on se confronte à des choix :
quels désirs nous paraissent réalisables et sains, équilibrants ?

Ce travail de discernement intérieur P. Diel le nomme « la délibération intime ».
Il explique à ce sujet :
Le choix délibérant – l’introspection permanente – est si caractéristique
de la nature humaine, et tellement nous-même,
que nous oublions de nous en distancier, d’en prendre objectivement connaissance,

bien que cette prise de connaissance soit la condition essentielle de la santé psychique.
Cela d’autant plus que de nombreux désirs restent nécessairement coupés de réalisation
à courte échéance. La délibération introspective se charge de trier les désirs retenus,
de les comparer plus ou moins lucidement selon leur valeur de satisfaction.

(…)
Élaborés (les désirs) dans l’intimité intrapsychique,
la plupart du temps sans contrôle conscient suffisant,
ils sont fréquemment de fausses promesses de satisfaction, de faux motifs.

(…)
Les fausses motivations se plaisent à procurer des satisfactions prématurées,
des rêvasseries complaisantes, qui se déroulent de plus en plus confusément
dans le for intérieur, à la place d’une délibération sainement prévoyante.
Le sujet victime de l’imagination vagabonde (la « folle du logis ») se voit
dans ses rêveries diurnes vainqueur triomphant dans toutes situations imaginables
(matérielles, sexuelles, pseudo-spirituelles).

À moins que l’imagination exaltée ne lui joue le tour de le remplir d’angoisse
inhibitive devant les obstacles réels.
Que les obstacles réels soient imaginativement sous-estimés ou surestimés,
le résultat pathologique sera le même.
Le sujet, habitué aux présatisfactions imaginatives, sera, à des degrés divers
– en fonction de l’intensité de ses égarements –,
privé de la capacité de suffire aux conditions réelles de la vie.
Spectateur du spectacle intérieur, il sera la proie de l’introspection morbide.

Comment se forme le subconscient (en continuant sur le sujet de l’introspection) ?
L’exaltation imaginative des désirs dérobe au conscient
la compréhension des conditions réelles de satisfaction.

Elle dégrade le conscient en subconscient,
ce qui risque de déclencher l’illogisme symbolisant sous sa forme perverse :
déguisement qui tente de cacher l’insanité des exaltations imaginatives
et ne parvient qu’à la rendre manifeste.
Les désirs et les angoisses explosent (…) sous la forme de symptômes
psychopathiques ou psychosomatiques.

Comme l’a précisé Paul Diel, l’introspection se fait dans tous les cas, d’elle-même,
c’est pourquoi il vaut mieux apprendre à maîtriser cette activité intérieure,
au même titre que l’activité de l’imagination, etc.

C’est cela apprendre à se connaître soi-même : apprendre à devenir maître de soi
et de ses choix de vie en maintenant une juste estime de soi.

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Note

* J’établis une distinction entre besoin et désir.
Pour l’expliquer, prenons l’exemple de la nécessité de nourrir le corps :
manger est un besoin, alors qu’avoir envie de manger des spaghettis sauce X est un désir.
Il s’agit de saisir que nos désirs comprennent également la satisfaction des besoins fondamentaux,
pour le moins en ce qui concerne les occidentaux et autres de la classe moyenne et plus haut.

En mode survie, on ne se paie pas le luxe de désirer.
On se contente d’assouvir ses besoins.


À l'origine, la satisfaction consiste juste à manger quand on a faim.

Pour les civilisés, la satisfaction repose sur de nombreux désirs à réaliser et à organiser
comme de manger telle chose, en telle quantité, avec tel vin et un dessert à la fin,
à tel endroit, avec telle(s) personne, à telle heure, tant de fois par jour, etc.


Sentez-vous le mouvement spiralé de la recherche de satisfaction
allant en s’évasant : toujours plus, davantage, encore et mieux qu’avant, plus vite… ?


Si oui, vous comprenez pourquoi il vaut mieux inverser le mouvement spiralé.

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5 commentaires:

  1. Cela peut aller loin ce genre de réflexion. Parfois utile, parfois futile, à un f prêt

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  2. Soyons attentifs à une chose :
    Dialogue intérieur, délibération et imagination sont des faits concernant notre fonctionnement dit psychique.
    Or, que se passe-t-il avec le Net et, surtout, avec les assistants personnels (succès en Chine, et ça commence en Europe) ?

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  3. J'aime beaucoup ta distinction entre besoin et désir. Et aussi le mouvement spiralé pour la satisfaction des désirs, oui, toujours plus, toujours plus vite...
    Et je rajouterais que si l'on satisfait trop vite ses désirs c'est l'engrenage infernal, on n'éprouvera même plus l'attente de la satisfaction du désir qui pour moi fait complètement partie de la satisfaction . Dans ce cas on ne profitera même plus de ce sentiment de bonheur à la satisfaction d'un désir et on aura à peine satisfait un désir qu'on sera déjà en train d'en assouvir un autre. faut prendre le temps de profiter de ce que l'on fait !

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    1. Ouch, excellent (on y sent bien l'enchaînement infernal) !
      Voix simple, voie sage
      Merci Vi, à +

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