La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

lundi 25 mars 2019

Moraliser ou banaliser, deux extrêmes (III)

Introduction

Concernant la politique des louanges et blâmes faisant partie de notre éducation,
et qui reste une pratique inscrite dans notre culture socio-professionnelle d’adultes,
Paul Diel a écrit :
Durant toute la vie, l’inauthentique recherche des louanges
(trop facilement exaltée en autolouanges vaniteuses,
et en ambitions exaltées de réussite sociale)
demeure sous-tendue par l’authentique élan surconscient, imposant
– ne serait-ce que par l’angoisse coupable – « la réussite sociale »,
la révision des ambivalences vaniteuses :
le rétablissement de la valeur essentielle
qui réside dans l’exigence immanente d’harmonie.

Avant-propos

L’intention que chacun devrait entretenir consiste à
prendre conscience le plus possible de ce qui nous anime et motive.
La plupart des grands et honorables humains l’ont recommandé à travers le temps :
connais-toi toi-même...
 
Paul Diel nous a laissé des repères servant à comprendre
le fonctionnement de notre psyché (vie intérieure),
en mettant l’accent sur ce qui nous anime et motive de façon morbide et/ou saine.

Le mécanisme général de la motivation est le suivant (en gros) :
– émergence de désirs –
– recherche de satisfaction de ces désirs, toutefois trop nombreux –
– choix d’en réaliser certains au détriment des autres –
– motivations à agir.

Au sujet des besoins, P. Diel explique que, comme chaque animal,
nos besoins concernent le rapport à la matière (manger, etc.), à la sexualité
et, pour les humains, à la spiritualité, aux valeurs morales immanentes.
Notons que les autres animaux ont aussi ces instincts, mais, en eux, ils restent simples,
et l’élan spirituel se limite à l’impératif d’évolution et d’adaptation au monde naturel environnant.

Le problème des animaux-pensants, que sont les humains, consiste en le fait
que nos besoins fondamentaux se multiplient à l’infini (envies de nouveautés,
de manger gastronomique ou de bouffer beaucoup, de réaliser des fantasmes sexuels divers, etc.)
et, en plus, nous nous sommes créés des besoins superflus (des besoins secondaires,
par exemple de toujours plus de confort, de luxe, d’un smartphone, d’une voiture, etc.)
Je veux dire que nos désirs, à la base peu nombreux, sont maintenant tant abondants,
vains (non-essentiels) et exaltés, que nous ne savons plus où nous en sommes,
au point de donner priorité à des besoins secondaires par exemple.

Rappel : l’esprit n’est pas uniquement le mental, notre cerveau de la tête,
il est aussi, et avant tout, notre sentiment (impression générale sur soi et le monde).
L’esprit n’est pas, pas uniquement, l’intellect et donc, ne se mesure pas
avec des tests comme celui du Q. I. (Quotient Intellectuel).
Un intellectuel notoire peut manquer d’esprit.
Un illettré peut agir avec esprit.
L’esprit englobe les sentiment, pensée et conscience.
L’esprit, dont la tâche consiste à valoriser (les désirs à satisfaire),
se soucie d’une évolution harmonieuse.
P. Diel relève que seul l’humain développerait la conscience de soi et du monde
ainsi que la conscience d’un passé et d’un avenir.

Le fait qu'un subconscient se développe tel un kyste dans le conscient est malsain (morbidité)
parce que ce kyste-de-refoulés obstrue peu à peu la conscience (de soi et du monde),
ce qui a comme conséquences :
- un manque de lucidité objective du raisonnement, compensé
par une exaltation mentale et/ou intellectuelle, et égotique ;
- de l'aveuglement affectif et moral ;
- de fausses-rationalisations sur tout et son contraire
aboutissant à un relationnel banalisant le pire et le morbide.

Le subconscient serait la cause des troubles du comportement ou du caractère, de la nervosité,
ainsi que des symptômes de mal-être, qui, s’ils ne sont pas pris en compte,
se transforment en maladie, soit physique, soit psychologique, soit psychosomatique.

Quant au surconscient, cela est Mystère,
quelque chose d’extraconscient en chacun qui dirige l’élan d’évolution.
 

En bref, à retenir des deux publications précédentes (dans cette rubrique) :
- Le subconscient correspond, génère, la part ombre de soi-même.
- Le surconscient correspond à cette part en tout être animé qui ne cesse d’évoluer,
et qui incite à avancer harmonieusement,
c’est-à-dire en accord avec soi-même et avec ce qu’il se passe dans le monde naturel
(et non pas dans le monde abstrait des idées).

L’univers, le soleil, la terre, la lune, la montagne, l’arbre et l’animal : tout évolue.


Deux opposés : la moralisation et, à l’autre extrême, la banalisation

Au sujet du surconscient, Paul Diel a écrit :
(…) qu’il importe de réveiller (le surconscient)
de sa « somnolence due aux rêveries imaginatives » à double forme :
l’une, l’ évasion banalisante vers les promesses matérielles et sexuelles exaltées,
l’autre, l’évasion vers l’autojustifiction vaniteuse.

Rappel : l’angoisse, ainsi que la culpabilité, mettent en garde contre une fausse-motivation.

Pour supporter le mal-être intérieur :
Faute de comprendre l’existence de l’angoisse coupable surconsciente qui
– en vue de leur harmonisation réjouissante –
impose aux désirs multiples le frein de l’esprit,
l’affranchissement à l’égard du moralisme pathogène est cherché
dans le déchaînement banal des désirs.
Le terme « banal » signifie ici que cette fausse désinhibition est si fréquente
qu’elle est finalement prise pour la norme,
au point d’être confondue avec la santé psychique.

Voyons encore plus précisément ce que P. Diel entend par « banalisation » :
Contraire pervers du moralisme,
le banalisme, lui aussi élevé au rang d’idéologie-guide,
propose l’affranchissement le plus radical de toute culpabilité,
le déchaînement sans scrupule de la matérialité et de la sexualité.
L’avidité des désirs déchaînés ne peut se satisfaire qu’aux dépens d’autrui.
Surtout aux dépens du nerveux qui, inhibé à l’excès,
désarmé à cause de son hyperidéalisme qu’il prend pour vertu,
devient trop facilement le « dindon de la farce ».

Paul Diel explique ensuite que, pour contrer le moralisme ambiant (idéologies religieuse et politique,
interdits, conventions, etc.), on se défoule sexuellement et/ou dans le luxe matériel
en croyant se libérer ou se rebeller, et en croyant se faire du bien ;
alors qu’en agissant de la sorte on banalise la fausseté – l’ignominie, l’aliénant –
qui se propage partout ; c’est-à-dire qu’on devient indifférent à ce qu’il se passe
pourvu qu’on ait quelques compensations tels que bouffe, sexe, drogues, alcools
et aussi, d’être riche et d'avoir le sentiment d'une pseudo-puissance.
Mais toutes ces vanités (fausses-motivations) ne satisfont pas vraiment l’être ;
tout au plus elles font jouir un bref instant (plaisir immédiat) l’ego, le faux-moi,
avant de retomber dans l'insatisfaction.

Fait historiquement marquant, la banalisation n’est pas, comme la nervosité,
une maladie individuelle.
Elle est la maladie des sociétés qui prépare et conditionne le déclin des cultures.

Aïe !


* * *

Commentaire (résumant les trois publications)

Le sens de la morale (du juste, de l’honneur) est immanent.

Voici pourquoi nous sommes constamment tiraillés en nous-mêmes :
quelque chose en chacun de nous (le surconscient) incite à un fonctionnement
harmonieux de notre personne, ainsi qu’entre soi et le monde.
Cependant, ce quelque chose se confronte à notre faux-moi et à son imagination morbide,
ainsi qu’à ses faux besoins vaniteux et ambitieux (compensant les frustrations et insatisfactions
profondes et aussi, les inhibitions ou sinon, servant à "nourrir" et conforter les exaltations).
Si le faux-moi remporte la lutte et dirige les opérations, ce qui est le plus souvent le cas,
on se sent coupable et/ou angoissé. Ce sont des signaux d’avertissement, d'alerte.
De façon imagée et mythique : on se sent coupable d’avoir succombé à la tentation (du vain).
Le faux-moi est le Tentateur.

À partir d’un état intérieur d’ambivalence, de tensions et conflits,
soit la culpabilité nous ronge, soit nous la refoulons.
Et on devient vaniteux dans tous les cas.
Cette relation morbide à soi-même engendre une fausse-rationalisation (un mauvais raisonnement concernant notre mal-être), suivie d’une banalisation (fausse-acceptation d'un état intérieur
ou d’une situation extérieure, sociale). 

Au sujet de la rationalisation et de la banalisation lire l’excellent travail de C. Dejours concernant le milieu professionnel

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8 commentaires:

  1. Eric,
    Passionnant. Pas banal comme propos. Au coeur du mal Carpentier comme dirait l'autre. On banalise les voitures de police pour mieux contrôler. Encore une forme de travestissement.
    Bonne journée.
    Thierry

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    1. :)) bon exemple, "on banalise ... police".
      Et aussi, de plus en plus (dans les faits), la violence de l'État de droit (à la violence gratuite sous diverses formes sociales et professionnelles).
      A + Thierry

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  2. Tu auras remarqué que je rattrape mon retard dans la lecture de tes articles et dans l'ordre s'il vous plait !
    bel article qui explique parfaitement ce tiraillement actuel entre ce qu'il faudrait faire ou arrêter de faire et ce que nous faisons vraiment. je suis tiraillée entre ce que je ressens comme être bon et bien et cette sorte d'obligation d'aller travailler pour ramener de l'argent afin de pouvoir subvenir aux besoins de mes enfants tout en sachant que la façon dont je fais mon métier ne me convient pas mais je n'arrive pas à changer trop peur de manquer. :( et je pense que c'est encore plus vrai quand on se dit qu'on est responsable de ses enfants.

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    1. J'aime bien ce que tu as écrit, dans le sens que ça me parle.

      Une remarque (qui vaut pour tout le monde et non uniquement à ton égard, Vi) :
      jusqu'à quel âge doit-on considérer les enfants comme des enfants ?
      Dans ma famille aussi : plus de 25 ans et encore à la maison, chez les parents !
      L'an passé, j'ai lu en gros titre sur, sauf erreur, "Libération" que,
      et c'est nouveau, de plus en plus de gars parviennent à l'âge de 25 ans puceaux, et vivant chez leurs parents !

      À notre époque, à quel âge devient-on adulte et autonome, responsable ?

      J'ai vu l'affiche d'un second volet du film "Tanguy"...

      A + Vi

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    2. les miens ont 19 et 22 ans . la plus Grande a passé un cap cette année, elle a une paye, petite, mais une paye quand même, elle est presque autonome et vit sa vie avec son copain, ses études, son boulot, elle passe de moins en moins de temps à la maison, je la considère comme une adulte.
      Grand est encore très dépendant de moi, est-ce parce que c'est un garçon ? je n'ai pas la réponse ! Mais je trouve qu'il se prend en main de plus en plus.
      Il est vrai que personnellement j'ai été autonome financièrement à moins de 20 ans et je crois avoir quitté le nid familial à 21 ans. Aujourd'hui on fait tout pour que les enfants fassent des études longues, du coup l'entrée dans la vie active se fait de plus en plus tard. Et même si le jeune ne fait pas d'études, trouver un boulot est tellement devenu compliqué qu'on reste chez ses parents. Et même si on trouve un boulot il faut tellement de conditions (3 loyers d'avance, un minimum sur la paye, un garant ou deux et j'en passe...) pour trouver un logement qu'on reste aussi chez ses parents.

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    3. Oui, ce serait donc qu'il y a une volonté que les jeunes restent chez leurs parents ?
      De la sorte, s'ils bossent (c'est le cas dans ma famille), ils économisent (et les banquiers spéculent) et dépensent en vêtements, loisirs, onglerie et autres fumisterie$...
      ?
      En tout cas, ça n'aide pas à devenir responsable et autonome, je trouve.

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    4. Petit extrait du très bon livre , "Professeur cherche élève ayant désir de sauver le monde",de Daniel Quinn .
      "Les enfants apprennent tout ce qu'ils ont envie d'apprendre et tout ce qui peut leur servir. Mais il faut les envoyer à l'école pour les forcer à apprendre des choses qui ne leur sont d'aucune utilité(qu'ils s'empressent d'oublier); L'école ne doit pas être trop performante sinon les élèves prendraient la place des père, mère au lieu de prendre le temps de se former sur le tas en passant par de petits boulots. l'école sert à éloigner momentanément les jeunes du marché du travil pour éviter la concurrence avec les ainés. On recile l'âge du passage à l'adulte.Le jeune reste à l'écart du monde du travail chez ses parents et leur soutire de l'argent pour une consommation spécialement prévue à son effet. " C'est donc toujours et encore une histoire d'argent et de consommation. C'est vrai quoi, si le jeune trouve du boulot tout de suite il n'aura plus le temps de jouer aux jeux vidéos, de s'amuser sur son téléphone, de sortir au cinéma, au bowling, en boite et au bar, pas le temps de voyager.Il n'aura plus non plus les mêmes désirs futiles. Autant de consommation en moins.

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