La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

dimanche 7 juin 2020

Des degrés de la raison

 


Pour comprendre le schéma « ascenseur en tête »,
prenons un exemple : le respect des lois institutionnelles.

Obéir et respecter les lois édictées n’a pas à être discuté,
mais doit-on obéir aveuglément ?

Je veux dire, faut-il s’exécuter sans exercer son propre esprit critique (penser par soi-même) ?
Se poser des questions et réfléchir à l’impact d’une loi (par exemple), c’est penser par soi-même,
ce qui n’empêche nullement d’obéir à ce qui nous apparaît sensé, équitable, juste.


La raison peut opérer, fonctionner, sur divers degrés ‒ niveaux, étages.

Il se trouve que la plupart des humains plafonnent dans un fonctionnement basique,
celui du premier niveau dans le schéma ci-dessus, ne faisant recours qu’à la raison logique
et à la rationalisation permettant la banalisation et, à force, une normalisation (de l’injustice).

Obéir aveuglément, c’est penser en circuit carré fermé,
en ayant adopté les idées et croyances d’autrui.


Pour fonctionner en communauté, d’autant à plus de sept milliards d’humains,
il vaut mieux partir du principe qu’il faille respecter les règles ; cependant,
les lois et règles devraient être clairement et simplement édictées,
ce qui n’est pas du tout le cas dans notre société.

Obéir, oui bien-sûr, pour autant que les lois soient cohérentes, sensées,
puis appliquées de façon juste, sans distinction de rang ni autre exception.


Vaine est ta justice provisoire car elle n’est que d’un étage.
Et il faut choisir.
Les matériaux changent de signification en passant d’un étage à l’autre.

‒ A. de St-Exupéry

Parvenir au second degré de réflexion,
et se rendre compte que :
les lois édictées sont, pour la plupart, incompréhensibles
et, surtout, il faudrait plusieurs vies ou étudier le droit pour les connaître.

C’est un fait : certaines lois servent trop les intérêts de ceux qui les édictent.

Ne raisonner que logiquement, et rationaliser, en calculant notre intérêt,
nous tient au premier niveau des possibilités de l’intellect ;
alors que raisonner en conscience de le faire  permet de penser par soi-même,
après avoir consulté son sentiment (impression générale).

Raisonner, c’est penser depuis son propre point de vue,
ce qui amène à se forger une opinion
quoi qu’il se dise à l’extérieur, dans le monde.


Il se passe des choses inacceptables en ce monde (des humains).
Les choses inacceptables ne devraient pas continuer de s’exercer.


Penser par soi-même, développer son esprit critique,
faire des choix dont on assume l’entière responsabilité,
avoir le souci des conséquences de nos actes, etc.,
cette activité de l’esprit (et non pas du seul cerveau) nous élève au second niveau de la raison.


C’est l’une des choses que je déplore des écoles : celle de cantonner les élèves à devenir brillants
mais uniquement dans le premier degré de la raison.
Les élèves capables de penser par eux-mêmes* se retrouvent la plupart du temps limités
et ramenés à penser mécaniquement, suivant le modèle basique proposé ;
sinon, ils sont punis pour insubordination ou autres idées jugées bizarres car non-conformes
aux attentes préétablies par des raisonneurs enfermés dans la logique du premier degré.
Et on les bourre d’informations, de formules à apprendre par cœur, de théories, etc.
Notre système d’instruction est comme pensé pour empêcher les élèves de réfléchir par eux-mêmes.

Se contenter de penser au premier niveau, c’est rester une bête :
un humain-bête utilisant un ordinateur comme on lui dit de le faire.

Il me semble qu’un humain-humain ‒ cultivé, civilisé, sensible et intelligent ‒, se doit, au minimum,
de penser en faisant régulièrement des excursions dans le second degré du raisonnement.


Quant à la Raison objective (le troisième degré de raisonnement),
je renvoie l’internaute à l’enseignement de G. I. Gurdjieff.


Note : tout cela ne sont que des mots, des notions.
Il s’agit de comprendre la dynamique que ces mots expriment (par exemple :
je ne pense pas que notre intellect ait trois étages, mais des degrés de compréhension, nul doute).





Note et liens

* Voir le film documentaire the Internet's own boy, qui retrace l'histoire de Aaron Swartz
(un enfant précoce, surdoué, qui pensait par lui-même
et, ô horreur, il était un créatif soucieux du Juste pour l'ensemble d'entre nous.


The Internet's own boy (sur imagotv.fr)



8 commentaires:

  1. Passionnant. Tout ceci étant variable, impermanent on peut tenter de voir où on en est en sachant que l'instant d'après on est peut-être déjà ailleurs...

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    1. Merci Thierry, ce "variable" peut être rendu plus permanent
      grâce au "rappel à soi", dont parlait souvent G. I. Gurdjieff.

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    2. J'pense à un truc : tu disais qu'avant de faire des collages, tu "faisais le vide dans ta tête", ce qui est une forme de rappel à soi puisque tu reviens,
      de la sorte, sur ta barque (https://souffledesonge.blogspot.com/2020/06/et-ta-barque.html), où tu retrouves ton ambiance..., neutre...,
      et donc, où tu te retrouves.
      Bel exemple de "rappel de soi" (ce qui permet de maintenir une continuité et permanence en soi-même quelques soient les événements)
      ;)

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  2. J'ai commencé à regarder le film, très intéressant !
    Je me pose toujours cette même question : " Comment aurais-je réagi si j'avais connu la guerre ? "Avec le recul, je me dis qu'il n'aurait pas été possible que je donne du crédit aux exterminateurs... Et pourtant, ils ont été si nombreux à obéir...

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    1. On ne peut pas savoir comment chacun aurait réagi ;
      comme on ne peut pas savoir comment chacun agirait en cas de survie.
      Ce qui est sûr, c'est que dans ces situations extrêmes (guerre ou survivre),
      les véritables natures se révèlent, notamment les courageux et les lâches...
      (les courageux étant ceux/celles osant ne pas obéir)

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    2. C'est drôle, Vi, que tu parles de "guerre" (il n'en est pas question dans le documentaire). Je me dis que, en guerre, nous y sommes : guerre des "décroissants" contre les néolibéraux et fachos, guerre pour un Internet libre (le thème du film), guerre des noirs (qui en ont marre d'être traités d'inférieurs et de subir injustices sur injustices) contre les blancs dominateurs, guerre des femmes contre les hommes virils dominants, guerre des multinationales toutes-puissantes contre le peuple consommateur, guerre contre l'hyper-surveillance dans les villes de + en + "gentrifiées", guerre contre les flics à la solde des plus riches, guerre pour davantage de justice, etc.
      Cette guerre, actuelle, est multiforme.

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  3. C'est le fait d'obéir ou pas aux lois qui m'a fait penser à la guerre, pas le film. Et la référence à l’expérience Milgram. ;)

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