La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

mercredi 3 juin 2020

Citadelle, prendre conscience (XII)


Prendre conscience passe par ne plus dénier « ce qui est » de dérangeant,
et ne plus nier nos erreurs.
Par exemple, prendre conscience que notre instruction, notre civilisation, nous abrutit l’esprit.

Voyons ce qu'en dit Antoine de Saint-Exupéry :

Prendre conscience, ce n’est point recevoir le bazar d’idées qui ira dormir.

Peu m’importent tes connaissances
car elles ne te servent de rien sinon de me construire un pont,
ou de m’extraire l’or, ou de me renseigner si j’en ai besoin sur la distance des capitales.
Mais ce formulaire n’est point l’homme.
Prendre conscience, ce n’est point non plus augmenter ton vocabulaire.
Car son accroissement n’a d’autre objet que de te permettre d’aller plus loin
en me comparant maintenant tes jalousies,
mais c’est la qualité de ton style qui garantira seule la qualité de tes démarches.
Sinon je n’ai que faire de ces résumés de ta pensée.
(…)
Prends-moi ce sauvage.
Tu peux lui augmenter son vocabulaire et il se changera en intarissable bavard.
Tu peux lui emplir le cerveau de la totalité de tes connaissances,
et ce bavard se fera clinquant et prétentieux.
Et tu ne pourras plus l’arrêter.
Et il s’enivrera de verbiage creux.
Et toi, aveugle, tu te diras : « Comment se peut-il faire que ma culture loin de l’élever
ait abâtardi ce sauvage et en ait tiré non le sage que j’en espérais,
mais un détritus dont je n’ai que faire ?
Combien maintenant je reconnais qu’il était grand et noble et pur dans l’ignorance ! »

Car il n’était qu’un cadeau à lui faire,
et que de plus en plus tu oublies et négliges.
Et c’était l’usage d’un style.
Car au lieu de jouer avec les objets de ses connaissances comme avec des ballons de couleur,
de s’amuser du son qu’ils remuent, et de s’enivrer de sa jonglerie,
le voilà tout à coup qui, usant peut-être de moins d’objets,
va s’orienter vers ces démarches de l’esprit qui sont ascension de l’homme.
Et voici qu’il te deviendra réservé et silencieux
comme l’enfant qui ayant de toi reçu un jouet en a d’abord tiré du bruit.
Mais voici que tu lui enseignes qu’il en peut tirer des assemblages.
Tu le vois alors se faire pensif et se taire.
S’enfermer dans son coin de chambre, plisser le front,
et commencer de naître à l’état d’homme.

Enseigne donc d’abord à ta brute la grammaire et l’usage des verbes.
Et des compléments.
Apprends-lui à agir avant de lui confier sur quoi agir.

Et ceux-là qui font trop de bruit, remuent, comme tu dis, trop d’idées, et te fatiguent,
tu les observeras qui découvriront le silence.
« Lequel est seul signe de la qualité. »


 
Réserve d'eau de Jodhpur - Rajasthan - Inde


De chaque humain, un point de vue.
Si chacun défend son point de vue
sans faire l’effort d’avoir une vision d’ensemble sur tous les points de vue,
mésentente générale.

Le Roi parle avec ses convives. Il en amène un devant la fenêtre :

« Quelle forme ce nuage dessine-t-il ? »
L’autre observa longuement :
- un lion couché, dit-il enfin.
- Montre-le à ceux-là.
Et mon père (le Roi) ayant divisé en deux parts l’assemblée poussa les premiers vers la fenêtre.
Et tous virent le lion couché que leur fit reconnaître le premier témoin en le traçant du doigt.

Puis mon père les rangea à l’écart et poussant un autre vers la fenêtre :
- quelle forme ce nuage dessine-t-il ?
L’autre observa longuement :
- un visage souriant, dit-il enfin.
- Montre-le à ceux-ci.
Et tous virent le visage souriant que leur fit reconnaître le second témoin en le traçant du doigt.

Puis mon père entraîna l’assemblée loin des fenêtres.
« Efforcez-vous de tomber d’accord sur l’image que figure le nuage », leur dit-il.

Mais ils s’injurièrent sans profit,
le visage souriant étant trop évident aux uns
et le lion couché aux autres.
(…)
Et toutes les formes sont vraies ensemble.
- Nous le comprenons du nuage, lui objecta-t-on, mais non de la vie…
Car si se lève l’aube du combat
et que ton armée soit méprisable en regard de la puissance de ton adversaire,
il n’est point en ton pouvoir d’agir sur l’issue du combat.
- Certes, dit mon père.
Comme le nuage s’étale dans l’espace, les événements s’étalent dans le temps.
Si j’y veux pétrir mon visage j’ai besoin de temps.
Je ne changerai rien de ce qui doit ce soir se conclure,
mais l’arbre de demain sortira de ma graine.
Et elle est aujourd’hui.
Créer n’est point découvrir une ruse d’aujourd’hui que le hasard t’aurait cachée pour ta victoire.
Elle serait sans lendemain.
Ni une drogue qui te masquera la maladie, car la cause en subsisterait.
Créer, c’est rendre la victoire ou la guérison aussi nécessaires qu’une croissance d’arbre.

Mais ils ne comprenaient toujours pas :
« La logique des événements... »
C’est alors que mon père les insulta dans sa colère :
« Imbéciles ! leur dit-il. Bétail châtré !
Historiens, logiciens et critiques, vous êtes la vermine des morts
et jamais ne saisirez rien de la vie. »

(...)

Il est dangereux, dans un champ de blé, de jeter un seul grain d’ivraie,
car l’être de l’ivraie domine l’être du blé
,
et peu importe l’apparence et le nombre.



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1 commentaire:

  1. Comme le sujet est "prendre conscience", je glisse ici un lien
    vers des documentaires à voir et écouter concernant "ce qu'il se passe"
    notamment autour du virus, l'OMS, etc.
    Ce lien renvoie au site des "initiatives citoyennes" de Belgique :
    http://initiativecitoyenne.be/2020/06/coronavirus-quelques-videos-pour-se-reinformer.html

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