La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

samedi 30 septembre 2017

Loup et monstre

Il était une fois un jeune loup, qui,
curieux et encore imprudent, s’éloigna de la meute.

Ses parents lui avaient recommandé de ne jamais approcher les bipèdes car,
expliquèrent-ils, ces animaux anormaux sont dangereux, lâches et pervers,
passant leur temps à tuer, couper les arbres et asperger la terre de produits malsains,
en ayant recours à de la magie noire induite par les pires démons
.

Les anciens de la meute avaient expliqué que les bipèdes,
la grande majorité, n’ont comme unique souci, pensée,
que l’appropriation des métaux, des fossiles et autres,
ce qui a eu pour conséquence d’avoir solidifié leurs esprit et cœur.
Les humains ne voient ni se sentent plus la beauté du monde,
l’harmonie des interactions, la complémentarité entre chaque espèce,
minérale, végétale, animale et cosmique.
Ils ne cessent de parler, vociférer, caqueter, tout le temps,
sauf lorsqu’ils dorment, et encore ;
néanmoins, paradoxalement, ils ne savent plus du tout communiquer,
ni entre eux ni avec les esprits de la Nature.
Ils sont des milliards et ils souffrent d’isolement, de dépression, de mal-être,
quand ils ne s’entretuent pas de façon atroce.


Ce jour-là,
découvrant et reniflant le monde,
insouciant et se promenant joyeusement,
le louveteau vit un bipède avachi contre un arbre.

Notre louveteau, intrigué, s’approcha, lentement.
Pour une fois qu’il en voyait un, de bipède.
Il dégageait de drôles d’énergies ainsi qu’un désagréable mélange d’odeurs.
Les odeurs de l’humain n’évoquaient rien au louveteau,
qui fut pris d’une soudaine quinte de toux. Il faillit vomir.
Plus il s’approchait de l’humain, plus il peinait à respirer.

Le bipède dormait et semblait inoffensif.
Notre loup eut alors une idée :
je vais m’assoupir afin de rencontrer l’humain dans le monde des rêves.

Le louveteau s’installa près du bipède et s’endormit.

Dans une autre dimension,
l’humain leva la tête et vit le louveteau,
« t’es mignon, toi, viens approche », lui dit-il.
 
Timidement, le louveteau le renifla, puis s’assit près de lui. 
- T’es jeune toi, beau poil, dit l’humain.
- C’est vrai que vous n’avez pas d’âme, ceux de ton espèce ?,
demanda naïvement le louveteau, curieux et désireux d’apprendre.
- Une âme ne sert à rien et ne se vend pas. Que ferais-je d’une âme ?
- Vendre ? Qu’est-ce que ça signifie ?
- Tu ne peux pas comprendre, tu fais partie des animaux inférieurs.
- Ce que je vois, c’est que vous semblez éteints, les bipèdes.
- Eteint ? Ah ah ah, mais nous contrôlons tout sur cette planète,
nous roulons vite, nous volons dans les cieux plus vite encore,
nous glissons sous l’eau et voguons à travers les océans.
Nous sommes les maîtres du monde, petit.
- À quoi ça sert, puisque vous paraissez morts et tant tristes ?
- (L’humain posa un doigt sur la tête du louveteau) Ton cerveau ne se développe pas,
jamais tu ne sauras lire, écrire et, surtout, calculer.
- Lire, calculer ?
- Par exemple, nous sommes cultivés, nous savons tout de tout.
Nous savons quelle heure il est, à la seconde près,
quel temps il fera demain et après-demain,
combien de calories il faut manger pour rester en forme,
combien de kilomètres courir pour embellir les muscles,
et comment passer son temps libre une fois à la retraite.
Nous possédons beaucoup de nourritures diverses, des stocks pleins.
- Burk, c’est dégueu. Je n’aime que la nourriture fraîche.
Au fond, vous êtes comme les hyènes, les vautours, les cafards et les mouches,
vous mangez de la nourriture avariée, en décomposition.
- Tu ne sais pas ce que tu dis, petit.
- Si vous avez autant, pourquoi vous anéantissez tout ce qui bouge et pousse ?
- Pour contrôler le monde. Nous planifions et calculons.
Statistiques, plans, prévoyance, nivellement, conformité.
Nous avons déjà prévu jusqu’à au moins 2100 la marche de l’évolution.
Nous faisons pousser des plantes et arbres OGM que nous contrôlons selon notre désir,
nous fabriquons des robots-abeilles pour essaimer du pollen OGM et calmer les écolos.
Nous sommes prévoyants et ingénieux, comme Dieu Himself, petit animal.
- Prévoir ?
- Oui, nous construisons le futur.
- Vous êtes déjà morts et vous détruisez tout pour avoir davantage demain ?
Je vois qu'au fond de vos êtres, creux, vous avez peur de manquer.
C’est complètement illogique. Absurde.
C’est justement parce que vous souillez tout que le futur s’annonce noir et difficile.
- Que saisis-tu de tout cela : la politique, l’économie, la sécurité alimentaire,
l'intelligence artificielle, la conquête de l’espace ?
- Pour quelles raisons aller dans l’espace ? Y a à manger là-haut ?
- Nous allons y chercher des matières premières, afin de nous enrichir plus encore,
et de bénéficier de davantage d’énergie, pour nos fusées, nos bombes, nos congélateurs.
Ce qui nous permettra de produire et consommer davantage, en toute sécurité.
- Vous cherchez des métaux ?
- Entre autres.
- Vous êtes déments, les bipèdes, de ne pas vous rendre compte
que les métaux vous étouffent, vous consument à petit feu.
Nos anciens disent que les métaux sont les os de Satan,
et que le pétrole est Son sang.
- Ouais, un loup qui vient me faire de la morale et me donner des leçons ?
Dégage petit être inférieur sans importance, avant que je ne me fâche,
cria l’humain, exaspéré, en lui envoyant un coup de poing.
 
Le louveteau esquiva et ne se fit pas prier pour partir.

Revenu dans notre dimension,
le louveteau ouvrit les yeux.
Il se releva, s’étira, et se dit qu’il fallait qu’il s’éloigne
de cet humain tant insensé qu’il en était effectivement dangereux.

Il fit à peine quelques pas qu’il entendit un coup de tonnerre et sentit une forte douleur,
une atroce brûlure lui traversa le flanc de part en part ; puis, plus rien, le néant…

L’humain rangea son arme en se demandant
combien il pourrait gagner en vendant la douce fourrure d’un louveteau ?

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8 commentaires:

  1. Triste réalité que ton conte ! l'homme use de tous les stratagèmes pour consommer, produire vendre et détruire... Et tout ça pour quoi ? pour assurer un futur ? Un futur toujours plus moche et pourri !

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  2. Eric,
    Très beau conte ! Juste et pertinent.
    Bravo.

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    1. Oy, merci. Merci. (ça doit compter double puisque ça vient du Boss)
      A + Thierry

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  3. Bien vu ... les loups se vengeraient ils ?

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