La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

jeudi 8 août 2019

De la transmission

Il y a quelque chose qui me questionne depuis longtemps :
pour quelle(s) raison la Connaissance ne doit pas être divulguée à n'importe qui ?

Dans le conte Précieux, mais sans valeur, il est dit (notamment) :
« Majesté, à quoi bon donner la connaissance à ceux qui ne sont pas capables de la recevoir ? »
Dans ce conte, la réponse est que les gens « n'en tireront aucun profit ».
Qu'ils en tirent profit ou non, peu importe, me semble-t-il.

Ce questionnement car j'ai remarqué, autant en m'observant
– en prenant conscience de certaines de mes limites –
qu'en observant autrui,
que chacun ne prend ou reçoit que ce qu'il peut.
Dès lors, pourquoi cacher ce que, de toute façon,
ne pourra prendre que celui qui est prêt, disposé et en capacité de recevoir ?

On peut avoir une connaissance théorique, encore faut-il l'agir, la mettre en pratique,
en sachant l'adapter au moment et au lieu, à ce qu'il se passe actuellement ici.

Cependant, il reste une question importante :
une fois la connaissance transmise, qu’en fera la(es) personne ?

J’ai pensé ensuite à des personnages comme Einstein à cause de qui, indirectement
et grâce à ses découvertes, on a fabriqué des bombes terrifiantes, démoniaques,
ainsi que les centrales nucléaires. Effectivement, Einstein aurait mieux fait de se taire...

Il semble donc que ça dépend de la connaissance ou de la pratique que l'on a à transmettre,
que ça dépend du moment, de l’époque, du contexte,
et que ça dépend des personnalités à qui on a affaire ou plutôt, de leur intention ;
mais comment être sûr des bonnes intentions d'autrui, sachant que les événements
nous changent. Nous avons des comportements dispersés, instables, impermanents
et donc, peu fiables : un jour je puis être droit et vertueux, alors que le lendemain je pourrais,
durant un moment de faiblesse ou de peur par exemple, devenir cupide et lâche.
(On ne peut pas se faire complètement confiance à soi-même,
dès lors comment faire confiance aux autres ?)

À ce sujet, voici un autre conte qui répond, en partie pour le moins, à ce questionnement.
Notons qu'il s'agit, dans cette parabole, d'une pratique de magie omnipotente (de quelque chose
qui agit concrètement sur la matière, en pouvant la transformer par exemple)
et non d'un "simple" savoir.

Maulana Jalaludin Rumi et d'autres rapportent qu'Isa, le fils de Miryam,
marchait un jour dans un désert des environs de Jérusalem
avec des gens chez qui l'avidité était encore puissante.
Ils supplièrent Isa de leur dire le Nom Secret grâce auquel lui, Isa, ressuscitait les morts.
Il dit : « Si je vous le donne, vous en ferez mauvais usage. »
Ils insistèrent : « Nous sommes prêts. Et dignes de connaître le Nom Secret.
Cette connaissance renforcera notre foi ! »
« Vous ne savez pas ce que vous demandez », leur dit Isa.
Mais il leur transmit le Mot.

Peu de temps après, ces gens se promenaient dans un lieu désert
lorsqu'ils aperçurent un amas d'os blanchis.
« Essayons le Mot », se dirent-ils.
Et c'est ce qu'ils firent.

Le Mot n'avait pas plus tôt été prononcé que les os se revêtirent de chair
et qu'une bête féroce et vorace reprit corps sous leurs yeux et les mit en pièces.

Ceux qui sont doués de raison* comprendront.
Ceux qui en ont peu pourront en acquérir par l'étude de ce récit.


– Jabir el-Hayyan, devenu « Geber » en latin,
le fondateur de l'alchimie
chrétienne.


Commentaire : il est précisé que l'Isa de cette histoire est Jésus, fils de Marie.

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Note

* Au sujet de la raison, je rappelle que G. I. Gurdjieff a rendu attentif au fait qu'il faut distinguer
la raison courante – mécanique, trop subjective (la raison de la plupart d'entre nous) –
de la « raison objective ».

Dans cette parabole, il me semble que l'auteur évoque la raison objective,
dite aussi supérieure (capacité de raisonnement hors norme, supérieure à la moyenne),
ce que confirme la dernière phrase.


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11 commentaires:

  1. Pourquoi la connaissance ne devrait pas être divulguée à n'importe qui ? Mais parce que certains se sentent bien plus puissants que d'autres et veulent garder précieusement cette connaissance pour en asservir d'autres, de tous temps cela s'est passé comme ça.
    C'est pour cela que tout le monde n'avait pas le droit d'apprendre à lire, etc ... la connaissance est quelque part un privilège !
    dans ton conte, en effet ce n'est pas le problème, c'est l'usage de la connaissance, le bon ou le mauvais, mais ici la connaissance n'a pas été utilisée pour faire le mal, juste mal utilisée par ces gens avides.

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    1. Merci Vi (j'espérais une participation, que certain(e)s ajoutent des points non soulevés par rapport au questionnement).
      Effectivement, c'est comme ça que fonctionnent, par exemple, les sectes.
      Et il y a aussi ceux qui agissent par intérêt, non seulement pour le pouvoir mais aussi pour s'enrichir. Un exemple : les stages de Reiki.
      ;) bon jour à toi

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  2. C'est drôle, parfois, l'enchaînement des choses (événements) :
    hier, en fin d'après-midi, j'ai vu un film que je recommande vivement, "Glass" de M. Night Shyamalan.
    J'ai bcp aimé ce film, surtout grâce au final. Selon moi, c'est un message que passe ce réalisateur.
    En découvrant l'intervention de Virevolte, il m'est venu une association en lien avec ce conte (je n'y avais pas pensé hier soir) : la fin du film, c'est comme si on nous informait d'un secret que ceux-qui-ont-le-pouvoir font tout pour qu'il ne soit pas divulgué...

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  3. Éloquente parabole en effet. Souvent on ne sait pas ce que l'on veut. On croit savoir et surtout on est convaincu que celui ou ce qui nous sépare de l'objet désiré a tort ou nous veut du mal.

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    1. Je ne sais si ce que je comprends correspond à ce que tu exprimes ?
      Dans tous les cas, ce que tu as écrit est profond. Auto-analyse,
      auto-observation lucide, je trouve. Disons qu'il m'est arrivé plus d'une fois
      de réagir de cette façon (alors ça me parle)...
      Mécanisme de défense (du soi) mal utilisé ?
      Difficulté à accepter une main tendue ? Excès de fierté ?
      Fausses idées sur ce qui est bien et bon ou mauvais et malsain ?
      A + Thierry

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    2. Oui c'est de cet ordre là après les contextes sont très différents forcément. Après c'est de la spéculation, de l'observation, de l'introspection aussi, un mélange de tout ça. Ton blog fait avancer ça fait du bien. Merci.

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  4. Salut,
    je pense qu'il faut peu de connaissance pour vivre voila, mais aussi comme un escargot avec l'écriture qui peu être vu comme un pouvoir, pour manger ou regarder la télé ou youtube, faut pas être bac + 5, c'est le monde qui va comme ça, en eskimo il y a plein de mot pour dire (ou écrire) la neige leur pouvoir les animes, pour les français on a plein de mot pour amour( je sais pas si c'est correct). La Vrai connaissance est l'adaptation, qui arrive a voir des connaissances mais qui en veulent d'autre, on apprend tous les jours, je pense a sa famille au légumes de saison, au dernier veau né.. Malgré ça il y a des pays ou ce que j'écris la est surement faux ,honte a nous qui avons et qui exploitent encore la connaissance d'autre. C'est mon avis, je pense que celui qui veut apprendre des choses a plus de chance que celui qui se fout de tous. Et je parle pas de la chasse des arts des cimetière ou repose un lot de connaissance presque infini. Je pense pas que la connaissance soit utile a tous, quand tu bouffes du veau tu t'en fous de le connaitre, quand tu chasse tu es peut être plus fière de manger, c'est juste une question d'adaptation je me répète ... ;))
    Et hop a bientôt ,porte toi bien :))

    https://www.youtube.com/watch?v=ozARKzb51xw

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    1. Dans l'absolu, oui, peu de connaissance est nécessaire, de vivre est un apprentissage en soi-même, d'ac avec toi, d'autant si on mène une existence harmonieuse et proche de la nature.
      Mais dans ce monde complexe, si on vit en ville, rester inculte et tu nettoies des chiottes toute ta vie...
      Joli ! : "la vraie connaissance est l'adaptation", mais à nouveau : s'adapter à quoi ? Au béton et à la technologie-qui-pense-pour-nous ou s'adapter à l'environnement naturel (pour ce qu'il en reste) ?
      Il y a le fait incontestable que ceux qui détiennent des savoirs se sont imposés dans ce monde, et ils ont tout-pouvoir...
      A + Cres

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    2. Je pense au partage aussi, de quoi, tout, le quotidien, le coucher, la vie en faite de toi de lui de eux de moi.
      Bon weekend :))

      https://www.youtube.com/watch?v=nf2d_mOD6fg

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    3. Tu boucles la boucle (par rapport au questionnement) puisque c'est bien de cela qu'il s'agit : "partager". ;)
      Merci Cres-l'Assoiffé
      Signé : une brebis galeuse

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  5. La véritable connaissance est en soi-même.
    Je crois que c'est cela avoir la foi : croire en les capacités latentes qui sommeillent au fond de nous... Et s'efforcer de les stimuler...

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