La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

jeudi 14 juin 2018

Jeu de reflets

- J’ai entendu quelque chose et, depuis, ça me trotte dans la tête.
Sais-tu ce qu’on exprime quand on dit « je t’aime » à quelqu’un ?

- Ben, que tu l’aimes quoi, que tu te sens bien avec,
qu’il ou elle te plaît.

- Oui, a priori, mais encore ?

- Ah, j’y suis, je vois où tu veux en venir :
on dit je t’aime pour exprimer une satisfaction,
qu’on a bien baisé, quoi.


- Le plus souvent ça doit être pour ça, ouais,
surtout nous les mecs, ha ha ha

- Bon, crache le morceau.

- On dit « je t’aime » pour ce que l’autre nous renvoie de nous-mêmes.
Tu vois ce que je veux dire ?

- Ouch, peut-être …
Attends…
On se projetterait dans l’autre, et selon,
si ce qu’on y voit nous plaît, on lui dit « je t’aime ».

- Oui. Et c’est pareil dans un groupe, religieux par exemple,
on aime en faire partie parce que l’idéologie de la communauté
sied à l’image de soi qu’on veut afficher et entretenir.

- Ça semble logique.
Souvent, les personnes qui ne s’aiment pas
se supportent mieux lorsqu’elles sont en couple
notamment grâce à l’attention que leur porte le conjoint.
Comme si ce que l’on aime en l’autre permettait de mieux s’accepter,
enfin, d’apprécier davantage l’image que l’on se fait de soi.

- Donc, dans les faits, cet élan "d’amour" est égocentrique.

- Ce que tu dis me fait penser à la situation de haïr quelqu’un :
il arrive que ce que tu détestes en cette personne touche
à quelque chose que tu détestes en toi-même mais que tu ne veux pas voir.
Ou encore,
le défaut que tu méprises en l’autre te renvoie à un défaut similaire en toi,
même si s’exprimant à l’opposé et donc, paraissant différent.

- Exactement, c’est ça, si j’ai bien compris le propos.
Ce serait le "mécanisme", la raison inconsciente poussant à dire « je t’aime »
ou, comme tu dis, « je te déteste ».
Et, à mon avis, ce mécanisme provient de l’idéal du moi,
c’est-à-dire que ce fonctionnement renvoie à « comment on aimerait être perçu par les autres ».
Le risque de cette manœuvre inconsciente consiste en la mise de côté, dans l’ombre,
des défauts et limites, les siennes comme celles de l’autre
(qu’on trouve « trop chou »… au début) ;
jusqu’au jour où le ravalé surgit, s’impose ; ensuite de quoi,
tu n’aimes plus ce que te réfléchis l’autre, voire tu commences à détester ça…

- Ok, j'crois comprendre.
D’où le taux élevé de divorce, de séparation et de mésententes.
Pff, c’est complexe.


On ferait mieux de ne pas penser, tu crois pas ?
Arrêter de tout analyser, décortiquer,
chercher midi à quatorze heures,
couper les cheveux en quatre…
On se sent bien avec quelqu’un, ou non.(<– point)

- T’as raison, mec.
J’en parle pour vérifier si c’est juste.
Pour faire simple, on peut dire que :
quand j’aime l’autre, je suis en paix avec moi-même.
Quand je n’aime pas l’autre, je suis en discorde intérieure.

- Ouaip, voilà.
Il faudrait constamment s’avoir à l’œil, s’observer,
et distinguer ce que l’on projette sur l’autre.

- Yep.

- J’t’aime pas, mec.



4 commentaires:

  1. Eric,
    J'adore ces dialogues. Il sont si justes et vont loin, très loin. ILs apportent de la paix. On se sent compris.
    Thierry

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  2. Jolie démonstration philosophique l'ami ! L'amour et la haine sont des passions destructrices et pour s'en affranchir, il faut faire rentrer l'indifférence dans notre vie, ce qui n'est pas toujours facile ... C'est tout simplement une culture de l'esprit, ni plus, ni moins, et si tu savais ce que cela fait du bien !
    Bises et bonne soirée

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    1. Ouch, à méditer !
      Ne suis pas sûr que ce soit l'indifférence, mais plutôt un détachement.
      Enfin, tout dépend comment chacun entend "indifférence".
      Merci Zaza, j'apprécie ce com-qui-fait-réfléchir.
      Bon jour à toi

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