Doucement derrière

Mon passé me pousse sans ménagement...

en avant !

Sur et à propos de quoi vais-je me plaindre dorénavant ?

N’y a-t-il plus moyen de larmoyer sur son triste sort

en ressassant sans cesse la douleur de ses blessures ?

Devoir faire le deuil de son malheur !

Le Passé clame d’un ton ferme et décidé :

tu m’as épuisé, pressurisé, vidé de ma substance.

Tu voulais savoir, comprendre, intégrer et discerner :

tu disposes maintenant du nécessaire.

Laisses-moi tranquillement recycler.
 

En moi, tu ne trouveras plus rien de nourrissant.

Dorénavant, ce qui formera ton passé est ton futur.

Réjouis-toi, te voilà libéré de tes entraves mémorielles.

Le futur s’est laissé rattraper par le passé !

Vont-ils se repousser ou fusionner ?

Plus de passé,

un présent qui prend fin,

un avenir des plus incertains.

Sans passé, pas d’avenir ?

Sans passé, un avenir à créer ?

M’enfin, j’y tenais à mon passé, je m’y raccrochais :

à ma souffrance, à mon histoire, à mon sentiment d’injustice,
à mes plaisirs compensatoires, à mes habitudes rassurantes, ...

Et voilà que mon passé me rejette aussi, m’abandonne !

Être le maître de l’instant, le Guerrier du Présent,

la Reine du moment, le Sage ici et maintenant.

Orphelin et sans passé,

tout devient possible.

Euh…, tout ne mène-t-il pas à rien ?

Le passé me souffla :

ton avenir est le roman que tu aimerais écrire,

le film que tu rêves de réaliser, en y étant l’acteur désiré.

Soudain anxieux, des profondeurs insondables de mon être je m’écrie :

hôôo, Passé, dis-moi une dernière chose : sans toi, à quoi vais-je me raccrocher ?

Le passé, amusé, répond :

Qu’est-ce qui te fait croire qu’il faille s’accrocher à quelque chose ?

Lorsque tu mourras, penses-tu que tu pourras te raccrocher à quoi que ce soit ?

Efforces-toi de rester, toujours, quoi qu’il arrive, en bon termes avec la Mort.

Tu penses avoir besoin de te raccrocher à quelque chose ? Elle est là, près de toi.

Prépares-toi du mieux que tu peux à L’accueillir, à L’honorer, à L’embrasser,

en te laissant emporter, en La suivant, avec la conscience tranquille,

l’Esprit éveillé, le cœur léger et paisible, le feu curieux au ventre.