La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

mardi 7 janvier 2020

Tout en choix


Jules, 17 ans, a l’impression d’avancer le long d’une gorge serrée
en suivant un fleuve bourbeux nommé Conditionnement.

Jules se sent à l’étroit dans ce passage où,
par moments, ses épaules frottent les parois rocheuses.
Il s’y déverse une pluie incessante d’injonctions et de recommandations.
Pré écrit et programmé, l'horizon y apparaît sur des écrans.

Prétendant vouloir ce qu’il y a de mieux pour "leurs" jeunes,
autant les parents que les instituteurs d'école et les conseillers sociaux
les incitent à grimper le versant "Diplômes-Permis de conduire-Emploi-Retraite".

Jules, comme plusieurs autres jeunes gens,
regardent de ses yeux brillants le versant opposé, abrupt et sauvage,
dont on ne voit pas le sommet, atteignant… l’inconnu ?
Ce versant est socialement considéré mauvais, préhistorique,
comme étant la voie de l’anarchisme, de la déchéance et du terrorisme.

Tout en cheminant, alourdi et abruti par le poids des données inculquées,
Jules hésite entre les deux versants.

Il a le choix.




Jules sait qu’il doit en escalader un, de versant, afin de se situer dans ce monde
et, surtout, pour pouvoir respirer son  air et jouer sa  mélodie.

Il rêve de s’élever, en volant de ses propres ailes.

Jules doute car il se sent attiré par les deux versants,
pareillement mais pas pour les mêmes raisons.
Ses bons résultats scolaires lui permettraient de grimper certains échelons du versant goudronné.
Cependant, il rêve d’aventures palpitantes, de découvertes et d’une vie intense,
alors que la voie balisée ne promet que la liberté de consommer,
en s’enlisant dans un mode de vie bourgeois, gras de lassitude.

Jules observe autour de lui que quelques-uns font des aller et retour d’un versant à l’autre,
sans parvenir à se décider, leur esprit happé par l’alcool et les drogues.

Certains choisissent le versant d’Éveil pour pouvoir être avec une autre personne,
par amour ou désœuvrement, en réaction à l’éducation reçue, pour contrarier papa-maman.
Ces derniers, souvent, se cassent la figure, renoncent ou s’épuisent en route,
et ils font leur place, ensuite, côté "L’humain-est-une-machine-comme-une-autre".

Certains, en suivant la voie aventureuse de l’indéterminable, se sont enrichis, champagne,
et, hop, ils ont sauté sur le versant de la tolérance zéro à l'incivilité,
pour pouvoir profiter de leurs deniers en toute sécurité assurée.
À l’inverse, certains, une fois parvenu haut sur le versant hiérarchique du Capital,
ont renoncé à leurs prérogatives et sauté sur le versant des Esprits éveillés.


Ce qui rend triste Jules c’est de constater que, parmi ses camarades,
beaucoup ne choisissent pas vraiment leur voie et que, malgré leurs discours,
ils se laissent entraîner vers le versant normé, désigné comme étant le seul possible,
mû par l’envie de rejoindre une terrasse plus ou moins haute, sécurisée et confortable.
Ils se mentent à eux-mêmes en jouant aux rebelles
sans se rendre compte qu’ils sont ambitieux
et donc, pris au jeu des néolibérés.
Ils prétendent vouloir changer le monde,
alors qu’ils convoitent les postes à responsabilité ou de la gloire,
en pensant que, eux, ils agiront mieux que ceux en place.


Rare sont ceux qui, contre vents industriels et marées publicitaires,
choisissent consciemment de grimper le versant implicitement interdit.


Jules prend conscience qu’à n’importe quel âge on peut choisir sa voie.
Rien n’est définitif.
Cette pensée le soulage, lui laissant le droit à l’erreur.


____________________________________________________

9 commentaires:

  1. Cette fable d'aujourd'hui me parle beaucoup !

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Eric,
    Versant gauche au droite, Jules sera malgré tous ses efforts à la merci du destin :)
    Bel hommage... ton fils ? :)
    Bonne journée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. oui, "à la merci du destin", mais peut-être peut-il moduler, arranger,
      améliorer, voire changer sa destinée (ou histoire perso) ?
      :) bon soir et à + Julie

      Supprimer
  3. Je résume mon point-de-vue (quelques textes de ce blog traitent de ce sujet) :
    Dans le non-choix (Destin),
    nous avons le choix (de nos réactions, réponses, actions,
    entreprises et orientation, direction à suivre... = prendre en main sa destinée).

    RépondreSupprimer
  4. Commençons l'année avec du bon punk ;))
    https://www.youtube.com/watch?v=JwnZfn8T-jk
    On est né dans une case en sortir oui pour en faire quoi....
    @++ :))

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Y a des questions qu'il vaut mieux laisser tomber (c'est un cérébral qui l'écrit),
      en effet comment savoir ce qu'on ferait dans d'autres conditions,
      avec un état d'esprit différent, etc. ?
      :)) pas possible de savoir.
      Quand on sort de la case, on se découvre soi-même
      en appréhendant le monde autrement.
      ;))
      Allez, musique, yo yo yo yo yo
      A + Cres

      Supprimer
  5. Bietul Jules! Măcar se trăiește pe sine, cu bune și cu rele... Viața este complicată.
    Și, în plus, finalul este unul optimist... :)

    O zi bună pentru tine, Eric!

    RépondreSupprimer