La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

mercredi 6 décembre 2017

Rouge-gorge curieux

En cette forêt, parmi une multitude d’oiseaux,
évoluait un rouge-gorge qui était particulièrement curieux et observateur.

En devenant adulte, il constata que ses pairs, nés durant la même période,
se comportaient comme s’il n’y avait plus rien à apprendre,
comme si « ça y est » il savait tout ce qui était à connaître.

Pourquoi les adultes n’ont plus envie d’apprendre ?,
se demandait-il.

Notre rouge-gorge devint un indépendant,
responsable et capable de répondre à ses besoins ;
et il avait soif de nouvelles connaissances,
autant que de rencontres amoureuses.

Tout en observant ses semblables,
il s’intéressa également aux autres oiseaux.
Rouge-gorge apprit à parler plusieurs langages,
en imitant les autres oiseaux,
et en s’efforçant de les comprendre par résonance ;
ainsi, peu à peu, il parvint à communiquer avec les pinsons,
les mésanges, les sittelles, les moineaux, les colibris, etc.,
et même avec les redoutés corbeaux et rapaces.

« Mais à quoi cela te servira-t-il ? »,
lui demandaient les autres rouges-gorges, dont les membres de sa famille.
Rouge-gorge haussait des épaules en répondant :
« j’aime apprendre, peu importe à quoi ça sert,
on verra bien, je n’en sais rien et ne cherche pas à le savoir
».


L’hiver était passé et la saison des amours s’annonçait.
Rouge-gorge décida de canaliser cette poussée d’énergie différemment :
il partit découvrir d’autres forêts.
L’aventure.
La liberté.

Durant son périple,
il rencontra toutes sortes d’oiseaux surpris de le comprendre.
Notre rouge-gorge s’informait sur leurs conditions de vie,
leurs plaisirs, leurs coutumes, etc.
Il constata que plusieurs de ces oiseaux s’étaient montrés sympathiques,
et impressionnés par ses capacités de communication ;
mais une fois partagés quelques informations,
chacun retournait dans son clan poursuivre ses activités routinières.

Notre rouge-gorge, étonné, regrettait qu’aucun ne lui ait demandé
comment il parvenait à parler autant de langages différents.
Aucun n’avait exprimé le désir d’apprendre.


Après quelque temps et diversités de territoires,
notre rouge-gorge à l’esprit ouvert se sentit seul.
Il était triste de penser à tous ces oiseaux qui,
quelles que soient leur race et la région où ils vivent,
se limitaient à un mode de vie des plus répétitifs,
sans curiosité du monde ni, surtout, envie de croître.


Rouge-gorge, au fil de ses pérégrinations,
rencontra un aigle solitaire qui faillit le manger.
Enserrés dans les pattes de l’aigle,
Rouge-gorge lui parla de sa tristesse,
en le remerciant de mettre un terme à cette existence dépourvue de sens.

L’aigle, ébahi que l’oisillon parlât le langage des rapaces,
ne le tua pas, mais le déposa délicatement sur une aire.

Aigle apprit beaucoup de choses sur la vie dans les forêts des plaines,
en écoutant ce que racontait Rouge-gorge.

Aigle exprima son désir d’apprendre divers langages.
Rouge-gorge s’en réjouit.

Un matin, Aigle demanda à Rouge-gorge de grimper sur son dos.
« Je vais te montrer le monde tel que le voient les aigles », lui dit-il,
« une expérience, le vécu, cela vaut mieux que mille discours et explications ».

Aigle s’envola.
Rouge-gorge se tenait fermement,
en gardant les yeux grands ouverts.
Aigle montait, montait, haut, si haut, vite, si vite.
Rouge-gorge se dit qu’avec ses petites ailes,
il serait mort d’épuisement à mi-parcours.
Il prit conscience que nul autre rouge-gorge
n’avait ressenti et vu ce qu’il voyait et ressentait.

Et l’aigle s’éleva encore.
Et Rouge-gorge éprouva une joie immense,
une émotion qu’il n’avait jusque-là jamais éprouvée.

Aigle et rouge-gorge devinrent d’improbables amis, complémentaires.
Ensemble, ils sillonnèrent le monde désolé des bipèdes,
en s’arrêtant dans des endroits encore un tant soit peu préservés.

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4 commentaires:

  1. Salut,
    chacun a sa place et pas d'invitation ou solidarité, et bientôt la fin suffira...
    https://www.youtube.com/watch?v=gaprXsgI6kI
    Et hop A+
    Cres

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    1. :) sacrée Julie !
      Du coup, j'ai écouté celle d'après DieuBouddhAllah :))
      A + Cres

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  2. Eric,
    Très belle histoire !
    Thierry

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