La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

vendredi 26 janvier 2018

Faux-moi et niveaux de conscience (G XIIII)

Dans cette rubrique paraît une série d’articles portant sur la connaissance de soi,
articles se composant d’extraits de l’enseignement de G. I. Gurdjieff,
selon les notes prises par P. D. Ouspensky, l’un de ses élèves.

G. I. Gurdjieff tenait sa connaissance de la « tradition ancienne ».

Ma motivation : se désenvoûter (un max. d'entre nous). 

Soyez votre propre flambeau et votre propre recours.
– Sagesse orientale
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Revenons sur le sujet de la conscience
(l’ordre de parution est celui des notes prises par P. D. Ouspensky).

Commentaire : il s’agit de saisir que la conscience n’est ni la pensée ni la raison,
puisqu’à chaque niveau de conscience, on pense et raisonne différemment et aussi,
à un autre rythme.
Pourquoi ?
Parce qu’on éprouve le monde autrement.
(Les personnes ayant pris une fois un LSD ou des champignons hallucinogènes
ou ayant été hypnotisées ou ayant vécu des états sous transe, etc.,
ces personnes ont expérimenté, dans ces conditions, un autre niveau de conscience,
et elles se sont rendues compte qu’on peut voir et penser le monde de façon différente).

De mon point de vue, la conscience embrasse toutes nos fonctions permettant de penser soit,
le sentiment (au sens d’impression générale), l’intellect et la raison.

Selon G. I. Gurdjieff, il y aurait quatre niveaux de conscience différents :
Il y a quatre états de conscience possibles pour l’ « homme ».
Mais l’homme ordinaire, en d’autres termes,
l’homme n° 1 (le physique-instinctif), 2 (l’émotionnel) ou 3 (l’intellectuel),
ne vit que dans les deux états de conscience les plus bas.
Les deux états de conscience supérieurs lui sont inaccessibles,
et bien qu’il puisse en avoir connaissance par éclairs,
il est incapable de les comprendre et il les juge du point de vue
de ces deux états de conscience inférieurs qui lui sont habituels.
Le premier, le « sommeil », est l’état passif dans lequel les hommes passent un tiers,
et même souvent la moitié de leur vie.
Et le second, où ils passent l’autre moitié de leur vie,
est cet état dans lequel ils circulent par les rues, écrivent des livres,
s’entretiennent de sujets sublimes, font de la politique, s’entre-tuent :
c’est un état qu’ils considèrent comme actif et appellent "conscience lucide",
ou "état de veille de la conscience".
(…)

Le troisième état de conscience est le « rappel de soi »,
ou conscience de soi, conscience de son être propre.
(…)

Le quatrième état de conscience est « la conscience objective ».
Dans cet état, l’homme peut voir les choses « comme elles sont ».
(…)

Pour la grande majorité des gens, même cultivés et pensants,
le principal obstacle sur la voie de l’acquisition de la conscience de soi,
c’est qu’« ils croient la posséder » ;
(…)

Considérons quelque événement de la vie de l’humanité. Par exemple, la guerre.
Il y a la guerre en ce moment (1ère guerre mondiale). Qu’est-ce que cela veut dire ?
Cela signifie que  plusieurs millions d’endormis s’efforcent de détruire
plusieurs millions d’autres endormis. Ils s’y refuseraient, naturellement,
s’ils s’éveillaient. Tout ce qui se passe actuellement est dû à ce sommeil.
Ces deux états de conscience, sommeil et état de veille,
sont aussi subjectifs l’un que l’autre.

Rappel : G. I. Gurdjieff disait que nous sommes « des moutons hypnotisés ».
S’éveiller consisterait donc à se dés-hypnotiser, se désenvoûter,
pour voir les choses telles qu'elles sont,
et non pas selon la représentation que l’on s’en fait,
selon des idées et images induites par nos conditionnement social,
éducation, influences, valeurs et croyances inculquées, etc.
À ce sujet d’autres auteurs ont parlé de « voile » à soulever, de « leurres », etc.,
pour évoquer ce même besoin : celui de s’éveiller vraiment.
Ce n’est qu’en commençant à « se rappeler lui-même »
que l’homme peut réellement s’éveiller.
(…)
Comment s’éveiller ?
Comment échapper à ce sommeil ?

Ces questions sont les plus importantes, les plus vitales qu’un homme ait à se poser.

G. I. Gurdjieff expliquait qu’un humain ne peut pas « s’éveiller par lui-même »,
qu’il a besoin d’un autre humain déjà éveillé ou sinon, d’une école.

Poursuivons sur ce thème de l’éveil complet, total (à lire avec attention) :
Il est possible de penser pendant un millier d’années,
il est possible d’écrire des bibliothèques entières,
d’inventer des théories par millions

et tout cela dans le sommeil, sans aucune possibilité d’éveil.
Au contraire, ces théories et ces livres écrits ou fabriqués par des endormis
auront simplement pour effet d’entraîner d’autres hommes dans le sommeil,
et ainsi de suite.
Il n’y a rien de nouveau dans l’idée de sommeil.
Presque depuis la création du monde,
il a été dit aux hommes qu’ils étaient endormis, et qu’ils devaient s’éveiller.
Combien de fois lisons-nous, par exemple, dans les Evangiles :
"Eveillez-vous", "veillez", "ne dormez pas".
Les disciples du Christ, même dans le Jardin de Gethsémané,
tandis que leur Maître priait pour la dernière fois, dormaient.
Cela dit tout.

Mais les hommes le comprennent-ils ?
Ils prennent cela pour une figure de rhétorique, une métaphore.
Ils ne voient pas du tout que cela doit être pris à la lettre.
(…)
Tant qu’un homme est dans un sommeil profond,
entièrement submergé par ses rêves,
il ne peut même pas penser qu’il est endormi.
(…)
Comme je l’ai déjà dit, l’homme, tel qu’il est, tel que la nature l’a créé,
peut devenir un être conscient de soi. Créé à cette fin, il naît à cette fin.
Mais il naît parmi des endormis, et, naturellement,
il tombe à son tour dans un profond sommeil juste au moment
où il devrait commencer à prendre conscience de lui-même.
Ici toutes les choses jouent leur rôle :

l’imitation involontaire des adultes par l’enfant,
leurs suggestions volontaires ou involontaires et leur soi-disant "éducation".

Toute tentative d’éveil de la part de l’enfant est aussitôt brisée.
Fatalement.
Et combien d’efforts plus tard pour s’éveiller ;
de quelle aide n’aura-t-on pas besoin lorsque des milliers d’habitudes
qui poussent au sommeil auront été accumulées.
On s’en délivre très rarement.
Et, dès son enfance même, l’homme a déjà perdu, dans la plupart des cas,
la possibilité de s’éveiller ; il vit toute sa vie dans le sommeil et il meurt dans le sommeil.
De plus, bien des gens meurent longtemps avant leur mort physique.

G. I. Gurdjieff revient sur le sujet des « quatre états de conscience ».
Remarquons que nos méprise et méconnaissance des états de conscience
ont comme conséquence de façonner un « faux-moi » ou « faux-soi » (notion psychanalytique) :
Un homme pleinement développé, (…) devrait posséder quatre états de conscience.
Les hommes ordinaires (…) ne vivent que dans deux états de conscience.
Ils connaissent, ou du moins peuvent connaître, l’existence du quatrième état. (…)
Cependant, lorsqu’il ne s’agit pas de fraudes ni de simulacres
ce sont là des éclairs de ce que nous appelons un état de conscience objective.
Mais l’homme ne sait rien du troisième état de conscience
et il ne le soupçonne même pas. (…)
Ne se considère-t-il pas lui-même comme un être conscient qui gouverne sa propre vie ?

Les faits le contredisent, mais il les regarde comme accidentels ou momentanés,
destinés à s’arranger d’eux-mêmes.
S’imaginant ainsi qu’il possède la conscience de soi,
en quelque sorte par droit de naissance,
il ne lui viendra pas à l’esprit de tenter de l’approcher ou de l’obtenir.
(…)

(…) l’étude de soi et l’observation de soi, bien conduites,
amènent l’homme à se rendre compte qu’il y a "quelque chose de faussé"
dans sa machine et dans ses fonctions, en leur état ordinaire.

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Liens
* Penser à établir des associations, à relier les choses entre elles,
dans ce contexte notamment avec les articles les quatre corps
ainsi que, surtout, la métaphore du cocher et de son maître.

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7 commentaires:

  1. Eric,
    Sommeil, réveil, lumière, tout ça m'éclaire, m'ébloui un peu même.
    Il y a quelque chose de faussé, c'est clair, cahcun cherche le sien.
    Belle journée à toi.
    Thierry

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    1. "Chacun cherche le sien", le vrai-soi, suppose-je.

      C'est en se défaisant des idées, sentiments et croyances, qui ne sont pas de soi,
      que l'on découvre peu à peu les contours du Soi (ou vrai-moi).
      :)
      A + Thierry

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  2. J'ai sommeillé trop longtemps à mon goût...

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  3. mais ne suis-je pas encore en train de dormir ?

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    1. :)) excellent
      C'est La question

      Je pense, suppose, que c'est pour ça que Gurdjieff encourageait à trouver un humain ou une école d'humains éveillés ; en effet, comment savoir
      si ce que je prends pour la réalité (à l'état d'éveil) n'est pas un songe,
      un vilain songe puant le gasoil et le fric ?

      A + Virevolte-dans-la-matrice-d'abstraction

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  4. Salut,
    l'aie lu hier, je l'aie relue ce midi (maintenant), bah ça donne envie de réveiller de bon songe..Bref, j'va dormir merci pour ses textes et bonne semaine!!!! Et oui je suis du fond de la classe mais j'ai sui;)))

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    1. :)) le fond de classe offre une vue d'ensemble. Choix judicieux ;)

      J'aime bien ce que tu écris "ça donne envie de réveiller de bon songe".
      Salut Cres

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