il s’agit de ne tenir compte que des deux intervalles d'un demi-ton, qui sont spéciaux, particuliers,
ceux situés entre les notes « mi » et « fa » ainsi qu’entre les « si » et « do ».
Les autres intervalles, d'un ton entier, sont stimulés mécaniquement, automatiquement.
Poursuivons avec G. I. Gurdjieff :
Les observations basées sur une compréhension de la loi d’octave
montrent que les vibrations peuvent se développer de différentes manières.
Dans les octaves interrompues, elles surgissent et tombent,
sont entraînées et englouties par des vibrations plus fortes
qui les coupent ou qui vont dans une direction contraire.
Dans les octaves qui dévient de la direction originelle,
les vibrations changent de nature et donnent des résultats
opposés à ceux auxquels on aurait pu s’attendre au commencement.
Ce n’est que dans les octaves d’ordre cosmique, ascendantes ou descendantes,
que les vibrations se développent d’une manière conséquente et ordonnée,
gardant toujours la direction prise par elles au départ.
Par ailleurs, l’observation montre qu’un développement d’octaves correct et régulier,
bien que rare, est possible en toutes occasions,
dans l’activité de la nature comme dans l’activité humaine.
Le développement correct de ces octaves est basé sur ce qui paraît être un « accident ».
(…)
L’observation de ce développement correct des octaves établit le fait que si,
au moment nécessaire,
c’est-à-dire au moment où l’octave donnée passe par un intervalle,
un "choc additionnel" de force et de caractère correspondant lui est donné,
elle se développera ensuite sans entraves en suivant sa direction originelle,
sans rien perdre de sa nature et sans rien y changer.
En de tels cas, il y a une différence essentielle
entre les octaves ascendantes et descendantes.
Dans une octave ascendante, le premier "intervalle" se trouve entre « mi » et « fa ».
Si une énergie additionnelle correspondante entre à cet endroit,
l’octave se développera sans entraves jusqu’à « si »,
mais entre « si » et « do » il faut « un choc supplémentaire beaucoup plus fort »
qu’entre « mi » et « fa », pour qu’elle se développe correctement,
parce qu’à cet endroit les vibrations de l’octave sont à un diapason beaucoup plus élevé,
et que, pour éviter un arrêt dans le développement de l’octave,
une intensité plus grande est nécessaire.
Dans une octave descendante, par contre, le plus grand intervalle se rencontre
au tout commencement de l’octave, tout de suite après le premier « do »,
et les éléments qui permettent de le combler se trouvent très souvent en « do » lui-même,
ou dans les vibrations latérales émises par « do ».
Pour cette raison, une octave descendante se développe beaucoup plus facilement
qu’une octave ascendante : après avoir passé le « si »,
elle parvient sans obstacle au « fa » ;
ici, un choc supplémentaire est nécessaire, bien que « considérablement moins fort »
que le premier choc entre « do » et « si ».
Dans la grande octave cosmique qui s’étend jusqu’à nous
sous la forme du « rayon de création »
nous pouvons voir le premier exemple complet de la loi d’octave.
Le rayon de création part de l’Absolu. L’Absolu est le « Tout ».
Le « Tout », possédant la pleine unité, la pleine volonté et la pleine conscience,
crée des mondes au-dedans de lui-même
et commence ainsi l’octave cosmique descendante.
L’Absolu est le « do » de cette octave.
Les mondes que l’Absolu crée en lui-même sont « si ».
L’ "intervalle" entre « do » et « si » est rempli en ce cas par la « volonté de l’Absolu ».
Le processus de création se poursuit par la force de l’impulsion initiale
et sous l’effet d’un choc additionnel.
« Si » passe au « la » qui est pour nous le monde des astres, « la voie lactée ».
« La » passe au « sol », notre Soleil, le système solaire.
« Sol » passe au « fa », le monde planétaire.
Et ici, entre le monde planétaire, pris comme un tout, et notre Terre,
se présente un « intervalle ».
Cela signifie que les radiations planétaires qui portent diverses influences à la Terre
ne peuvent pas l’atteindre, ou, pour parler plus correctement, ne sont pas reçues :
la Terre les réfléchit.
Pour combler l’intervalle, à cet endroit du rayon de création,
un dispositif spécial a été créé pour la réception et la transmission
des influences venant des planètes. Ce dispositif est « la vie organique sur la Terre ».
La vie organique transmet à la Terre toutes les influences qui lui sont destinées,
et rend possible toutes les influences qui lui sont destinées,
et rend possible le développement ultérieur et la croissance de la Terre,
le « mi » de l’octave cosmique, puis celui de la Lune, ou « ré »,
après quoi vient un autre « do » : « Rien ».
Entre « Tout » et « Rien » passe le rayon de création.
Vous connaissez la prière qui commence par ces mots :
"Dieu Saint, Dieu Fort, Dieu Immortel."
Cette prière est un vestige de l’ancienne connaissance.
« Dieu Saint » signifie l’Absolu, ou : Tout.
« Dieu Fort » signifie aussi l’Absolu, ou : Rien.
« Dieu Immortel » signifie ce qui est entre eux,
c’est-à-dire les six notes du rayon de création, avec "la vie organique".
Les trois ensemble sont un.
C’est la Trinité coexistante et indivisible.
En résumé, pour parvenir à un but,
pour qu’une action se dirige où désiré (à long terme),
il s’agit d’impulser, soi-même, les intervalles,
c’est-à-dire de provoquer des « chocs additionnels »
permettant de maintenir l’élan dans la direction voulue,
au moment où l’élan faiblit pour se briser ou dévier.
Par rapport aux « chocs additionnels », G. I. Gurdjieff poursuit :
Comme je l’ai déjà dit, les chocs peuvent avoir lieu accidentellement.
Un accident est naturellement quelque chose de très incertain.
Mais ces lignes de développement de forces qui sont redressées par accident
et que l’homme peut quelquefois voir, ou supposer, ou espérer,
entretiennent en lui, plus que tout autre chose, l’illusion de « lignes droites ».
En d’autres termes, nous croyons que les lignes droites sont la règle,
et que les lignes brisées et interrompues sont l’exception.
Cela suscite en nous l’illusion qu’il est possible de « faire » ;
qu’il est possible d’atteindre un but projeté.
En réalité un homme ne peut rien faire.
Si, par accident, son activité donne un résultat quelconque,
ne ressemblant qu’en apparence, ou de nom seulement, au but initial,
l’homme s’affirme à lui-même, et il affirme aux autres,
qu’il a atteint le but qu’il s’était proposé ; il en vient à prétendre
que chacun est capable de l’atteindre – et les autres le croient.
En réalité, c’est une illusion.
Un homme « peut » gagner à la roulette. Mais ce sera un accident.
Parvenir au but que l’on s’était donné dans la vie
ou dans un domaine quelconque d’activité
est un accident du même ordre.
La seule différence est qu’à la roulette,
l’homme sait du moins à chaque mise, sans se tromper, s’il a perdu ou gagné.
Mais dans les activités de sa vie, surtout dans celles ayant une résonance sociale,
lorsque plusieurs années ont passé entre le commencement d’une action et son résultat,
un homme peut très facilement se tromper lui-même
et prendre le résultat "obtenu" pour le résultat désiré,
c’est-à-dire croire qu’il a gagné, quand, dans l’ensemble, il a perdu.
La plus grande insulte pour un "homme-machine",
c’est de lui dire qu’il ne peut rien faire,
qu’il ne peut parvenir à rien, qu’il ne pourra jamais s’approcher d’aucun but
et qu’en s’efforçant vers un but il en fait inévitablement apparaître un autre.
Et de fait cela ne peut pas être autrement. (…)
De fait, il est naturellement incapable de rien faire, parce qu’il n’a aucun contrôle,
non seulement sur les choses qui sont en dehors de lui, mais sur ce qui est en lui-même.
Cette dernière idée doit être clairement comprise et bien assimilée ;
en même temps, il faut comprendre que le contrôle des choses extérieures
commence par le contrôle de ce qui est en nous, par le « contrôle de nous-même ».
Un homme qui ne peut pas se contrôler,
c’est-à-dire qui ne peut pas contrôler ce qui se passe en lui,
ne peut rien contrôler.
Par quelle méthode un contrôle peut-il être obtenu ?
La partie technique de cette méthode peut être expliquée par la loi d’octave.
Les octaves peuvent se développer d’une manière conséquente et continue
dans la direction désirée si les "chocs additionnels" interviennent au moment nécessaire,
c’est-à-dire lorsque se produit un ralentissement des vibrations.
Si les "chocs additionnels" n’interviennent pas au moment voulu,
les octaves changent de direction. Or il n’est pas question, naturellement,
d’espérer que des "chocs additionnels" viendront d’eux-mêmes de l’extérieur,
au moment voulu. Il reste donc à l’homme le choix suivant :
ou bien trouver à ses activités une direction qui corresponde à la ligne mécanique
des événements du moment, en d’autres termes, "aller où le vent souffle",
"nager avec le courant", même si cela contredit ses propres inclinations,
ses convictions, ses sympathies ;
ou bien se résigner à l’idée de l’échec de tout ce qu’il entreprend.
Mais il y a une autre solution :
l’homme peut apprendre à reconnaître les moments des intervalles
dans toutes les lignes de son activité, et à « créer » les "chocs additionnels" ;
en d’autres termes, il peut apprendre à appliquer à ses propres activités
la méthode dont les forces cosmiques ont usage lorsqu’elles « créent »
des "chocs additionnels" toutes les fois qu’ils sont nécessaires.
Pour apprendre à reconnaître les intervalles,
G. I. Gurdjieff pensait qu’on ne peut faire autrement que :
soit de rencontrer un humain plus évolué qui guiderait le néophyte,
soit d’intégrer une école « créée elle-même sur ces principes ».
Ce dernier de poursuivre :
En attendant, on peut dire que dans l’enseignement d’école,
il est donné à l’homme, d’une part, des exemples
des octaves cosmiques descendantes (créatrices) et, d’autre part,
des exemples des octaves ascendantes (évolutives).
La pensée occidentale, qui ne sait rien, ni des octaves, ni de la loi de trois,
confond les lignes ascendantes et descendantes,
et ne comprend pas que la ligne d’évolution s’oppose à la ligne de création,
c’est-à-dire qu’elle va contre elle, à rebours du courant.
En étudiant la loi d’octave, on doit se rappeler que,
pour définir les relations des octaves entre elles,
on les divise en « fondamentales et subordonnées ».
L’octave fondamentale peut être comparée au tronc d’un arbre
dont les branches seraient les octaves subordonnées. (…)
Les octaves fondamentales sont reliées d’une manière déterminée
aux octaves secondaires ou subordonnées.
Des octaves secondaires du premier ordre
sortent les octaves secondaires du second ordre, etc.
La structure des octaves peut être comparée à la structure d’un arbre.
Du tronc fondamental sortent, de tous côtés, des branches
qui se divisent à leur tour en rameaux
qui deviennent de plus en plus petits et finalement se couvrent de feuilles.
Le même processus a lieu dans les feuilles,
pour la formation des veines, des dentelures, etc.
Comme toute chose dans la nature, le corps humain, qui représente un certain tout,
comporte, à l’intérieur comme à l’extérieur, les mêmes corrélations.
Vous devez comprendre et sentir cette loi en vous-mêmes,
et après cela seulement, vous la verrez en dehors de vous.
Eric,
RépondreSupprimerTrès intéressant, un gouffre quelque part quand on s'y enfonce. Cette symbolique nous dépasse et pourtant nous accompagne chaque jour.
Thierry
Quand on s'y enfonce, sensation primaire de se perdre, de mourir, peurs ;
Supprimeret pourtant, plus on s'y enfonce, plus on devient léger, éthéré...
:)
Joli la fin de ton intervention, tout est dit.
Dans cette symbolique, qui est une forme d'expression,
se trouve la "technique", le procédé, du changement
et/ou du "savoir mener son existence au plus proche de son être-Soi".
A + Thierry