Se Rêver

Trois manières de rêver

Rêver¹ se doit d’être distingué de rêver²,
et tous deux sont à distinguer de Rêver.

1. Il y a les rêves du sommeil, émergeant de l’inconscient.
Pendant que corps et esprit dorment, ayant lâché prise,
nous rêvons ; c’est mécanico-automatique.
Sur ces rêves nous n’exerçons pas de contrôle.
Ils se forment tout seul. L’on s’en souvient une fois réveillé
ou non ou certains épisodes, moments, ambiances.

2. Durant nos occupations quotidiennes,
pendant que le corps s’active par automatismes (pilotage automatique),
nous traversons des temps de rêverie, des moments d’absence.

Nous, occidentaux, reconnaissons ces deux formes de rêves.

Existe-t-il une troisième manière de rêver ?

Il se trouve que notamment les shamans
semblent connaître une troisième forme de Rêver.
(Afin de s’y retrouver, je l’écris avec une majuscule).

Les aborigènes d’Australie, les spécialistes du Rêve,
ne paraissent évoquer ni les rêves du sommeil ni ceux de la rêverie.
Mais alors, qu’entendent-ils par « rêver » ?

 

Vu que cela agit inconsciemment,
laissons de côté les rêves du sommeil.

Il nous reste à distinguer rêverie de Rêve.

 

L’évasion par la rêverie

La rêverie, le fait de rêvasser,
permet de laisser aller les images et pensées,
en les réorganisant, embellissant, positivant, etc.
On peut rêvasser dans une ambiance imaginée
– en créant des décors, des scènes –
ou à partir de souvenirs, de survenus, etc.

Même les soucis nous font parfois rêver, par exemple en conduisant.
Au volant de la voiture, sur une longue distance ou une route familière,
par moments on conduit en" pilotage automatique",
ce qui nous laisse penser ou rêvasser.

En rêverie on peut tout se permettre,
comme voler (dans les airs),
se prendre pour le président,
une star richissime, un elfe, etc.
Ces rêveries permettent de s’évader de la réalité,
en faisant fonctionner l’imagination
ou uniquement le mental compilateur.

Les rêveries s’inspirent de ce qu’il s’est déjà passé – du connu, du vécu.
Les rêveries nous attirent, entraînent, dans leurs sillages, souvent à notre insu.

L’aspect positif de ce type de rêver consiste en un lâcher-prise
sur les activités et soucis cérébraux du quotidien,
en plus de développer l’imagination créative.

NB : l’imagination peut s’avérer créative ou morbide ;
une rêverie n’est donc pas forcément positive.
Par exemple, un désir de vengeance peut faire rêvasser.

L’aspect négatif apparaît lorsqu’on passe trop de temps à la rêverie,
sans s’en rendre compte (des moments d’absence),
ce qui devient fuite de la réalité.
Les excès de rêverie rendent l’attention flottante,
en la laissant dispersée. Le rapport direct avec la réalité s’en ressent.

Perte du sentiment de continuité en son for intérieur.

Nous pouvons conclure que la rêverie est une distraction mentale,
à consommer avec modération et le plus consciemment possible.

La force unificatrice du Rêve

Lorsqu’on parle de « rêver sa vie »,
« vivre son rêve », « réaliser son rêve », etc.,
il me semble qu’il est question d’un Rêve à concrétiser
et à éprouver durant son existence.
Cela n’a rien à voir avec la rêverie.

Pour Rêver,
une mise en condition est nécessaire,
il faut stopper toute activité extérieure,
s’installer confortablement et se détendre.
On engage une contemplation intérieure,
en état de conscience modifié.
Non-activité sur l’extérieur,
état méditatif.
Réceptivité.

Afin qu’un Rêve ne se trouve pas entraîné par la rêverie,
il s’agit de se rappeler à soi-même (être actif en son intériorité),
en établissant un silence intérieur (taire les sentiments et pensées).

Ne pas se laisser emporter par l’imagination débridée :
au lieu de se laisser aspirer par la rêverie,
rester accroché à la conscience de l’instant
tel un bateau attaché à une bitte d’amarrage.

Le fait de Rêver ne répond pas à un besoin de distraction,
mais à un besoin d’épanouissement de l’être intérieur, de ses capacités.

Rêver est un art reliant
servant à rester connecté avec « l’autre partie » du monde,
ainsi qu’avec « l’autre » en soi-même.

Le Rêve semble nous ramener au désir essentiel, profond,
et permettre d’entendre la volonté de l’âme.

Le Rêve propulse en avant,
vers l’inconnu.

Rêver,
pour laisser émerger des images et pensées autres
ou une vision ou encore, une intuition, un pressentiment, etc.

Rêver permet tout ce que ne permet pas le raisonnement.

Rêver, c’est laisser venir l’inattendu à partir de ce qui est
(et non pas à partir d’un idéal ou autre).

Rêver, pour s’ouvrir à d’autres possibilités.

Le Rêve dégage les horizons,
en détruisant les murs autour de Soi.

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Lien
* Des désirs au Rêve

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