À rien ne sert de lutter contre sa nature.
En connaissant sa nature propre on peut y être vigilant afin d’y remédier quand nécessaire et si besoin,
par exemple pour compenser ses faiblesses ou contenir ses élans.
Sans maîtrise de soi,
un esprit scorpion ne peut s’empêcher de piquer ;
un esprit grenouille ne peut s’empêcher de rendre service ;
tout en s’idéalisant sociable et aimant, un esprit ours ne tend qu'à s’isoler ;
même richement vêtu, un esprit porc ne peut que rester fruste et irrespectueux ;
il aura beau vouloir devenir un dur soldat, un esprit lapin reste émotif et sensible ;
il aura beau utiliser un ton doucereux, un verbe aimable et poli, un esprit requin ne sait que tuer.
Etc.
Les esprits scorpion et grenouille me rappellent cette fable d’un auteur inconnu :
Coincé dans les roseaux, un scorpion malhabile tente de traverser une rivière. En vain.
De pierre en pierre saute une grenouille.
Cette dernière fait halte à une distance raisonnable de celui qui,
plein de son venin, craint l’eau plus que n'importe quoi.
Le scorpion l’appelle : j'aurais un service à vous demander, madame la grenouille.
La grenouille de répondre : je vous écoute.
Le scorpion explique : je dois absolument traverser la rivière
car j'ai un rendez-vous important de l'autre coté de la rive.
Pourriez-vous me prendre sur votre dos pour me faire traverser ?
La grenouille répond en hésitant : monsieur le scorpion,
tout le monde sait bien que la piqûre de votre dard est mortelle
et que si je vous prends sur mon dos je risque la mort.
Le scorpion insiste : voyons madame la grenouille,
un tel raisonnement n'est pas digne de votre intelligence
puisque si je vous pique je vais aussi couler avec vous au fond de la rivière.
La grenouille se laisse convaincre.
Elle prend le scorpion sur son dos et nage vers l'autre rive de la rivière.
Rendus au milieu du cours d’eau,
la grenouille sent le dard du scorpion s'enfoncer dans son dos.
Avant de couler, dépitée, elle demande au scorpion : tu vas couler avec moi,
alors pourquoi m'as-tu piquée ?
Le scorpion, angoissé, de répondre : parce que c’est ma nature.
La plupart d’entre nous analysent le comportement du scorpion et en tirent une leçon de morale juste :
on ne peut pas lutter contre sa nature, contre un comportement irrépressible…
sauf en apprenant à se maîtriser.
Analysons maintenant le comportement de la "gentille" grenouille :
elle non plus ne peut lutter contre sa nature. Trop bonne, trop conne.
En connaissant et en acceptant sa nature, en travaillant sur la maîtrise de soi,
la grenouille pourrait toutefois, dans certaines situations, parvenir à se contenir.
La grenouille de cette fable agit de façon stupide, irréfléchie, voire insensée et irresponsable
à l’instar de nombreux citoyens de ce monde obnubilés par la gentillesse et la non-violence.
En s’écoutant et en parvenant à se retenir ‒ ce qui nécessite de produire un effort sur soi-même ‒,
la grenouille aurait pu passer son chemin ; ou encore, elle aurait pu refuser la demande du scorpion
si elle avait accepté d’incarner la "méchante" qui sait dire « non »,
si elle était devenue capable de refuser en parvenant à contenir ses élans.
On ne peut pas faire confiance à un être dangereux et retors.
Quant au scorpion de cette fable, c’est lui le véritable idiot, selon moi.
Même remarque que pour la grenouille : si le scorpion avait été davantage maître de lui-même,
s’il avait appris à mieux se connaître et à se contrôler, il serait parvenu à se retenir de piquer
ce qui aurait été, pourtant, dans son propre intérêt égoïste.
Notons le décalage entre son discours (culpabilisant) et son incapacité à agir correctement.
Je trouve cette fable significative.
Elle illustre parfaitement ce qu’il se passe partout dans le monde des humains :
les gentils, jusqu’ici, ont toujours finis par plier face aux esprits retors sachant discourir.
Constatons que ce comportement conciliant ne rend service à personne, au contraire,
puisque autant les grenouilles que les scorpions vont maintenant devoir faire face à l’inconséquence
de leurs actes et entreprises ainsi que de leurs façons d’être en relation les uns avec les autres
et avec l’environnement naturel et nourricier.
Relevons encore que notre Système est pensé pour les scorpions qui ont tout-pouvoir.
Dans un premier temps, il revient donc aux grenouilles de réagir et d’agir
avec davantage de maîtrise de soi notamment en apprenant à dire « non »
et encore, « stop, ça suffit maintenant ».
Voilà en quoi l'être humain pourrait se distinguer des autres animaux :
sa capacité à comprendre son fonctionnement et à le perfectionner.
Restons réalistes : on ne peut pas changer de nature,
une hyène ne peut pas se transformer en biche,
mais on peut apprendre à se maîtriser.
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Hé hé je raconte très souvent cette histoire. Je la travaille parfois en atelier d'initiation aux arts du récit. De belles choses en ressorte.
RépondreSupprimerSi j'étais plus proche il me plairait de participer à cet atelier.
SupprimerCiao camarade... scorpion ou grenouille ?
Plutôt grenouille, je pense.
Ah sait on jamais un jour peut-être. J'ai même écrit un roman à partir de ce conte "Le système S". Sera-t-il publié un jour, je ne sais pas. Mais bon ce conte m'a beaucoup travaillé et me travaille encore.
RépondreSupprimerLol, en relation blogueurs tu sembles plutôt grenouille... ?
SupprimerBen, de mon côté, j'suis ni l'un ni l'autre, juste nouille, mais une grosse, hein.
Tentant le titre de ton roman.
je ne connaissais pas cette fable ! Aie ! c'est terrible de ne pas savoir dire non ou d'être trop gentil, j'en ai encore eu la preuve ces derniers jours ... pffff
RépondreSupprimerTrop bonne, trop conne ! Mais comme tu dis, on ne peut pas changer de nature...
Oui, c'est terrible car ça permet aux esprits scorpions (et requins, etc.)
Supprimerde continuer sur leurs lancées. Je veux dire que sans gentille grenouille
pas de possibilité pour le scorpion d'abuser.
;) A + Vi
Deux choses à préciser :
RépondreSupprimer- le psychisme humain est complexe. Lorsqu'on parle de sa nature, il est question de sa tendance majeure ; ainsi, l'humain peut être principalement grenouille (tendance majeure) et il peut aussi, à l'occasion, piquer comme le scorpion (pour rester dans la fable).
- En employant un langage moderne : lorsqu'on parle de la nature de l'humain, on pourrait parler de programmation. La nature profonde de l'humain, sa tendance principale, serait la programmation du Destin (de Dieu).
A ce sujet (répétition), si on ne peut pas changer ce pour quoi on a été programmé, on peut toutefois apprendre à mieux connaître sa nature (son programme majeur, c'est-à-dire son mode de fonctionnement).
L'humain, à la différence des autres animaux, peut se perfectionner. Par exemple, il peut se retenir, contenir, de réagir ou d'agir ; il peut aussi se stimuler à réagir à l'encontre de sa nature. De la sorte, dans la fable, la grenouille peut apprendre à dire "non" et le scorpion peut apprendre à retenir sa réaction irrépressible de piquer...