La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

vendredi 20 septembre 2019

Le piège du perfectionnisme


Par une nuit obscure, un derviche passait à côté d'un puits tari lorsqu'il entendit un cri :
une voix caverneuse appelait à l'aide.
- Qu'y a-t-il ? demanda le derviche en se penchant.

- Je suis un grammairien et, ne connaissant pas le chemin, je suis tombé par mégarde
dans ce puits profond où je suis maintenant pratiquement immobilisé, répondit la voix.

- Tiens bon, ami, je vas chercher échelle et corde, dit le derviche.

- Un moment, s'il te plaît ! reprit le grammairien.
Ta grammaire et ta diction sont défectueuses, je te demande de bien vouloir te corriger.

- Si c'est vraiment si important pour toi, plus important que l'essentiel, cria le derviche,
le mieux pour « toi » est de rester là où tu es
en attendant que « moi » j'apprenne à parler correctement.

Et le derviche passa son chemin.

– Jalaludin Rumi


____________________________________________

5 commentaires:

  1. Ben écoute je trouve qu'il a bien répondu, il s'est senti vexé ... mais mon bon coeur me perdra peut être ... je l'aurai aidé même si ma grammaire laisse à désirer :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. :)) trop bonne, trop ...
      ;))
      C'est un conte Soufi, je veux dire initiatique, d'apprentissage.
      A + Saby

      Supprimer
  2. Et oui je sais bien ;) c'est bien connu !! mais on se refait difficilement

    RépondreSupprimer
  3. (Je profite d'un temps d'attente pour m'occuper)

    Ce qu'exprime Saby est important par rapport à la leçon de ce conte (enfin, de ce que j'en comprends) :
    j'ai aussi cette tendance à être "trop bon" cependant, depuis ces dernières années, j'y fais attention car cette tendance ne m'a pas servi, ne m'a pas aidé, au contraire puisque plusieurs personnes en ont abusé, n'hésitant pas à me faire du mal, à me faire souffrir. Lorsque j'étais jeune, je ne comprenais pas et trouvais injuste ce qu'il m'arrivait.
    Aujourd'hui, je pense qu'être gentil ne sert à rien, c'est sensiblerie et sentimentalité. C'est tendre le bâton à ceux qui ne le sont pas, gentils.
    Le gentil est la proie du pervers et aussi, du manipulateur.

    Je ne dis pas qu'il faut être méchant.

    Ce qui me fait me sentir mieux avec moi-même, c'est d'être juste dans mon comportement, dans mes réponses face aux autres. Par exemple, si quelqu'un me fait du mal "gratuitement" et volontairement, je n'hésite aucunement à rendre la pareille, à me défendre, à porter un coup, afin de faire cesser le préjudice, afin de me respecter moi-même et de me faire respecter par l'autre.
    C'est pourquoi ce conte me "parle" : c'est cela être juste car celui qui est dans le puits préfère et donne priorité à la forme, à l'apparence des choses. Le Soufi respecte le besoin du prisonnier. L'attitude du Soufi, de prime abord paraissant dure, est simplement adéquate et sage, le prisonnier s'attachant au verbe et à son perfectionnisme (ce qui est excès vaniteux), au lieu de porter son attention sur l'essentiel : sortir du puits. Le prisonnier se montre exigeant en demandant au Soufi de mieux parler, ce qui est inapproprié. L'aidant n'a pas à se plier au caprice, à l'idéal, du demandeur d'aide. Le Soufi le renvoie de la sorte à ses propres limites : à ce qui l'empêche de sortir de ce puits.
    Le puits est une image symbolique, une métaphore, un peu comme l'expression "se sentir au fond du trou".
    Le Soufi donne une leçon au grammairien. Si ce dernier comprend cette leçon, il saura profiter de l'aide du prochain qui passera, sans rien exiger d'autre.

    On ne peut pas aider quelqu'un qui ne se laisse pas aider, même si ce dernier appelle à l'aide.
    Les psychothérapeutes (notamment) le savent bien...

    RépondreSupprimer