La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

mardi 3 juillet 2018

Et le sexe alors ? (G XXVIIII)

L’homme mécanique ne peut pas aimer – en lui « ça aime » ou « ça n’aime pas ».

Jusqu’à présent il a été question des trois principaux centres de l’être :
l’intellectuel, l’émotionnel et le moteur-instinctif.

À ce point des notes de P. D. Ouspensky,
G. I. Gurdjieff inclut un autre centre de l’être, le sexuel,
tout en considérant séparément le centre moteur et le centre instinctif,
qu'il va distinguer dorénavant. Il parlera donc de cinq centres de l'être.

La sexualité, est-elle instinctive ?
En partie, pour le moins ; je crois.
Au moment où G. I. Gurdjieff considère à part le centre instinctif,
le désignant soudain comme un quatrième centre, il intègre la sexualité.

Peut-on considérer que l’on a un centre sexuel ?
À en croire l’approche asiatique des chakras, oui, nous avons un centre sexuel.
Ce que je comprends : la sexualité est un centre énergétique secondaire de l’être,
je veux dire qu’il n’est pas vital,
néanmoins ce centre est très important puisqu’il produit beaucoup d’énergie.


Reprenons l’enseignement.
G. I. Gurdjieff introduit le sujet de la sexualité :
(…) le sexe joue dans le maintien de la mécanicité de la vie un rôle énorme.
Tout ce que font les gens est en liaison avec le sexe : la politique,
la religion, l’art, le théâtre, la musique, tout est "sexe".
Croyez-vous que les gens vont à l’église pour prier,
ou au théâtre pour voir quelque pièce nouvelle ?
Non, ce ne sont là que des prétextes.
Le principal, au théâtre aussi bien qu’à l’église,
c’est que l’on y peut trouver des femmes ou des hommes.
Voilà le centre de gravité de toutes les réunions. (…)
Voilà la principale source d’énergie de toute la mécanicité.
Tous les sommeils, toutes les hypnoses en découlent.
 
Essayez de comprendre ce que je veux dire.
La mécanicité est particulièrement dangereuse
lorsque les gens ne veulent pas la prendre pour ce qu’elle est
et tentent de l’expliquer par autre chose.
Lorsque le sexe est clairement conscient de lui-même,
lorsqu’il ne s’abrite pas derrière des prétextes,
il ne s’agit plus de la mécanicité dont je parle.
Au contraire, le sexe qui existe par lui-même
et ne dépend de rien d’autre est déjà un grand accomplissement.
 
Mais le mal gît dans ce mensonge perpétuel à soi-même ! (…) 
(…) vous demandez – devons-nous laisser les choses ainsi ou les changer ?
Allons ! Dieu lui-même n’y pourrait rien changer.
Vous souvenez-vous de ce qui a été dit sur les quarante-huit lois ?
Elles ne peuvent pas être changées,
mais on peut se libérer d’un grand nombre d’entre elles,
je veux dire qu’il y a une possibilité de changer l’état de choses « pour soi-même ».
 
On peut échapper à la loi générale.
Pas plus là qu’ailleurs, la loi générale ne peut être changée.
Mais l’homme peut changer sa propre situation par rapport à cette loi ;
il peut lui échapper. D’autant plus que la loi dont je parle,
c’est-à-dire le pouvoir du sexe sur les gens, offre des possibilités très diverses.
 
Le sexe est la principale raison de notre esclavage,
mais il est aussi notre principale possibilité de libération
.
 
La "nouvelle naissance" (…) ne dépend pas moins de l’énergie sexuelle
que la naissance physique et la propagation de l’espèce.

Association : ce que G. I. Gurdjieff définit par « nouvelle naissance »
renvoie à ce que C. G. Jung nommait « métanoïa » (renaissance par l’esprit),
c’est-à-dire à l’aboutissement du processus d’individuation.

Continuons. Un élève lui demande :
- La continence absolue est-elle nécessaire pour la transmutation,
et, d’une manière générale, l’abstinence sexuelle est-elle utile pour le travail sur soi ?
 
- (…) L’abstinence sexuelle est en effet nécessaire à la transmutation,
mais dans certains cas seulement, c’est-à-dire pour un certain type d’homme.
Pour d’autres types, elle n’est pas du tout nécessaire.
Et pour d’autres encore, elle vient d’elle-même dès que s’amorce la transmutation.
(…)
(L’abstinence sexuelle) est utile, s’il y a abstinence dans tous les centres.
S’il n’y a abstinence que dans un centre
et pleine liberté d’imagination dans les autres,
il ne saurait y avoir rien de pire.
En outre, l’abstinence peut être utile si l’homme sait
comment utiliser l’énergie qu’il épargne de cette façon.
S’il ne le sait pas, aucun avantage ne peut être retiré de l’abstinence.
(…)
(En matière de sexualité) toutes les sortes d’ "originalités",
tous les goûts étranges, les désirs bizarres,
la peur et l’action constante des "tampons"*,
tout cela doit être détruit dès le début.
 
L’éducation moderne et la vie moderne
créent un nombre incalculable de psychopathes sexuels
.

L’enseignement se complexifie :
Je voudrais vous faire comprendre où gît le plus grand mal
et le principal facteur de notre esclavage.
Ce n’est pas dans le sexe même, mais dans « l’abus du sexe ». (…)
Il ne s’agit pas ici des excès sexuels ou des perversions sexuelles.
Ce ne sont là que des formes relativement inoffensives de l’abus du sexe.
Non, il est indispensable de très bien connaître la machine humaine
pour comprendre ce qu’est l’abus du sexe, au sens vrai de cette expression.
Elle désigne le mauvais travail des centres dans leurs rapports avec le centre sexuel,
en d’autres termes, l’action du sexe s’exerçant à travers les autres centres,
et l’action des autres centres s’exerçant à travers le centre sexuel ;
ou, pour être encore plus précis, le fonctionnement du centre sexuel
à l’aide de l’énergie empruntée aux autres centres
et le fonctionnement des autres centres à l’aide de l’énergie empruntée au centre sexuel.
 
- Le sexe peut-il être regardé comme un centre indépendant ? demanda un des auditeurs. 
- Oui, répondit Gurdjieff. 

G. I. Gurdjieff nous apprend que la plupart des centres sont bipolaires, pas le sexuel :
En premier lieu, il doit être noté que, « normalement »,
dans le centre sexuel, aussi bien que dans le centre émotionnel supérieur
et dans le centre intellectuel supérieur, il n’y a pas de côté négatif.

Nos trois centres majeurs, les moteur-instinctif, émotionnel et intellectuel,
sont donc doubles, avec des oppositions d’attirances et d'élans générant des conflits.
Seul le centre sexuel n’est pas scindé en deux parts complémentaires.
(Pour le dire autrement, le sexe ne reconnaît ni le mauvais ni le bon,
étant pur élan, sauvage, de nature neutralisante).


Toutefois,
lorsqu’une personne parvient à développer ses centres émotionnel et intellectuel,
ces derniers s'unifient ; c’est pourquoi, à ce niveau de l’enseignement,
G. I. Gurdjieff précise que les centres émotionnel et intellectuel « supérieurs »
n’ont pas de côté négatif, leurs aspects positif et négatif se retrouvant comme fusionnés, unifiés.



G. I. Gurdjieff ajoute à ce sujet, et précise :
Dans tous les autres centres, à l’exception des centres supérieurs,
c’est-à-dire dans les centres intellectuel, émotionnel, moteur et instinctif,
il y a, pour ainsi dire, deux moitiés – l’une positive et l’autre négative
(forces + et -) ;
affirmation et négation, "oui" et "non", dans le centre intellectuel ;
sensations agréables et désagréables dans les centres instinctif et moteur.
 
Mais une telle division n’existe pas dans le centre sexuel.
Il n’y a pas de côtés positif et négatif en lui.
Il n’y a pas de sensations désagréables ni de sentiments désagréables en lui :
ou bien il y a sensation agréable, sentiment agréable,
ou bien il n’y a rien – absence de toute sensation, complète indifférence.

Voilà ce qu’il se passe le plus souvent :
Mais par suite du mauvais travail des centres,
il arrive souvent que le centre sexuel entre en contact
avec la partie négative du centre émotionnel ou du centre instinctif.
Dès lors, certaines stimulations particulières,
ou même n’importe quelles stimulations du centre sexuel,
peuvent évoquer des sentiment désagréables, des sensations désagréables.
Les personnes qui éprouvent de telles sensations ou de tels sentiments,
suscitées en elles par des idées ou des imaginations liées au sexe,
sont portées à les regarder comme des preuves de vertu
ou comme quelque chose d’original ;
en fait, elles sont simplement malades.
 
Tout ce qui est en rapport avec le sexe devrait être, soit agréable, soit indifférent.
Les sentiments et les sensations désagréables viennent tous du centre émotionnel
ou du centre instinctif.

Il était ressorti des tableaux de l’hydrogène que
« le centre sexuel travaille avec l’hydrogène 12 »,
c’est-à-dire avec une matière des plus raffinées que le corps produise.
G. I. Gurdjieff en explique la particularité
(veuillez accrocher votre ceinture de sécurité-tous-risques,
nous allons traverser une zone de fortes turbulences neuronales
autant que tripales, et même génitales !) :
Cela signifie qu’il (le centre sexuel) est plus fort
et plus rapide que tous les autres centres.
Le sexe, en fait, gouverne tous les autres centres.
 
La seule chose qui ait prise sur lui dans les circonstances ordinaires,
c’est-à-dire lorsque l’homme n’a ni conscience, ni volonté,
c’est ce que nous avons appelé les "tampons".
Ceux-ci peuvent le réduire littéralement à rien,
c’est-à-dire qu’ils peuvent empêcher ses manifestations normales.
Mais ils ne peuvent pas détruire son énergie.
L’énergie subsiste et passe aux autres centres, par lesquels elle s’exprime ;
autrement dit, les autres centres dérobent au centre sexuel
l’énergie qu’il n’emploie pas lui-même.
 
L’énergie du centre sexuel dans le travail des centres intellectuel, émotionnel et moteur,
se reconnaît à une "saveur" particulière, à une certaine ardeur,
une véhémence que rien ne nécessite.
Le centre intellectuel écrit des livres,
mais quand il exploite l’énergie du centre sexuel,
il ne s’occupe pas simplement de philosophie, de science ou de politique
– il est toujours en train de combattre quelque chose, de se disputer,
de critiquer, de créer de nouvelles théories subjectives.
 
Le centre émotionnel prêche le Christianisme, l’abstinence, l’ascétisme,
la crainte et l’horreur du péché, l’enfer, le supplice des damnés,
le feu éternel, et tout cela avec l’énergie du sexe…
Ou bien il fomente des révolutions, il pille, il brûle, il tue,
avec cette même énergie dérobée au sexe.
 
Et, toujours avec cette énergie, le centre moteur se passionne pour le sport,
il bat des records, il saute des haies, il escalade des montagnes, il lutte, il combat, etc.
 
Dans tous les cas où les centres intellectuel, émotionnel ou moteur
utilisent l’énergie du sexe, on retrouve cette véhémence caractéristique,
en même temps qu’apparaît « l’inutilité » du travail entrepris.
Ni le centre intellectuel, ni le centre émotionnel, ni le centre moteur
ne peuvent jamais créer quelque chose « d’utile » avec l’énergie du centre sexuel.
 
Voilà un exemple de l’abus du sexe.

G. I. Gurdjieff explique, ensuite, qu’à force de puiser dans l’énergie sexuelle,
le centre sexuel, quand mobilisé, se retrouve à puiser dans l’énergie des autres centres,
qui, eux, sont plus lents et produisent une matière plus dense (hydrogène plus élevé).
Bref, la machinerie humaine est détraquée, névrosée,
néanmoins elle trouve un semblant d’équilibre dans un dysfonctionnement général.
Nous sommes habitués à fonctionner comme ça, depuis Mathusalem.

Quelqu’un lui demande que « faire pour lutter contre l’abus du sexe ? »
(…) Le travail sur soi, correctement conduit,
commence par la création d’un « centre de gravité permanent ».
 
Lorsqu’un centre de gravité permanent a été créé,
tout le reste, en se subordonnant à lui, s’organise peu à peu.
 
La question se résume donc ainsi :
à partir de quoi et comment un centre de gravité peut-il être créé ?
(…) seules, la juste attitude d’un homme à l’égard du travail, (…),
son appréciation juste de la valeur du travail
et sa compréhension de la mécanicité ou de l’absurdité de tout le reste,
peuvent créer en lui un centre de gravité permanent.
 
Le rôle du centre sexuel dans la création d’un équilibre général
et d’un centre de gravité permanent peut être très grand.
De par son énergie, c’est-à-dire s’il emploie son énergie propre,
le centre sexuel se situe au niveau du centre émotionnel supérieur.
Et tous les autres centres lui sont subordonnés.
Par conséquent, ce serait une grande chose s’il travaillait avec sa propre énergie.
Cela seul suffirait à indiquer un degré d’être relativement élevé.
Et, dans ce cas, c’est-à-dire si le centre sexuel travaillait avec sa propre énergie
et à sa propre place, tous les autres centres pourraient travailler correctement,
à leur place et avec leur énergie propre.
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Liens (concernant les « tampons »)
* Défense psy contre les chocs
* Tampons et contrôle


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6 commentaires:

  1. Vaste réflexion, à lire et à relire. Merci.

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  2. Et bé bah c'est grand comme ça :))
    https://www.youtube.com/watch?v=8RS71-7X4_8
    Texte assez long, faudra relire...
    Allez un verre et un ami tous a l'heure sa me suffit (lalala)

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    1. J'ai enfin pu écouter : joli, autant le texte de la chanson que l'accompagnement à l'accordéon ;)

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  3. Salut les e-potes, pble de connexion Internet.
    Doucement, Cres, avec le verre ;))
    Le plaisir, oui, Thierry
    A +

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