La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

samedi 27 octobre 2018

Tout se résout en soi-même

À Jean-Marc, qui me tue tant de fois.

Dans une démarche de compréhension,
lorsqu’on étudie un rêve ou un mythe par exemple,
on peut tout ramener à soi, notamment les divers personnages ;
de la sorte, chaque personnage illustre une facette de soi, un des « moi »,
c’est-à-dire un trait de caractère, un désir, une ambition, une envie frustrée, etc.

Par exemple (déjà traité, mais différemment ; comme quoi,
on peut interpréter une parabole de mille et une façons) :
dans l’histoire biblique de Caïn (l’aîné) et d’Abel (le cadet),
nous avons en fait trois personnages sur scène,
puisque les deux frères travaillent pour plaire à Dieu, comme nous allons le voir
(sans compter les parents, Eve et Adam, qui souffrent ailleurs à ce moment-là).

Notons d'ores et déjà que, sur le plan introspectif :
quelque chose, en soi-même, a pris le contrôle.
Une autorité. Un « moi » dominant. L’ego.
Ce qui a comme conséquence de scinder l’esprit en trois :
Dieu – l’autorité –, Caïn et Abel,
c'est-à-dire trois « moi » distincts évoluant dans la pensée.
Pour le dire autrement,
en l’intériorité, dans le monde de chacun d’entre nous,
s’expriment trois voix – influences, désirs, motivations – différentes,
ce qui ne cause que d’incessants conflits.
Donc,
le moi-je domine (Dieu) sur deux tendances majeures, deux autres « moi »,
dont l’un est représenté (dans le mythe) par Caïn l’agriculteur,
et l’autre par Abel le berger, probablement rêveur.

Relevons deux exigences implicites de ce Dieu :
devoir travailler, et devoir Lui faire des offrandes.

Qu’est-ce que cette situation, cette relation triangulaire, nous apprend ?

Cette configuration nous renvoie à notre conflit intérieur :
en soi-même se déroule une lutte entre la part Caïn et la part Abel,
à seule fin de satisfaire à la nécessité de l’idéal du moi-je dominant.


Retournons en arrière, dans le passé mythique :
au début de la Genèse, la relation, également triangulaire, se déroule bien.
La vie interactive est saine au paradis.
Adam et Eve ne se posent pas de question, ils vivent,
c’est-à-dire qu’ils ne pensent pas et n’idéalisent pas le monde.
Mais voilà que le premier des personnages dit « le Créateur »,
présenté comme étant l’« Éternel Tout Puissant »,
intervient pour donner des consignes, des lois et interdits.
Qu’est-ce qu’il Lui prend tout à coup, alors que tout se passe bien,
de leur faire une crise d’autorité ?

Et Dieu imposa le secret des affaires.

Ce n’est pas tout, l’imbroglio se complique encore car, soudain,
voilà qu’un quatrième personnage apparaît, sous la forme d’un serpent.

Eve la pure, tentée par son discours persiflant, croque la pomme interdite.

Dieu soi-disant d’amour, par sa réaction, révèle alors un autre aspect de Lui :
sa nature de juge et bourreau, puisqu’Il les punit et les chasse de l’Eden.

On ne sait pas ce que le serpent devient dans cette histoire de ouf ?

La relation générale est …, comment dire…, nettement embrouillée ; n’est-il pas ?
Dieu était déçu d’Eve et d’Adam.
Rejet et punition.
Waouh, quelle ambiance !

Dieu a participé pleinement à la détérioration de l’ambiance, je trouve.

Je constate, à ce point du récit,
que le relationnel était dégradé avant la naissance de Caïn.


Avançons dans le récit :
les enfants d’Adam et Eve, Caïn et Abel, se détestent chaque jour davantage
pour et sous le regard de ce Dieu qui aime… récompenser et punir.

Dieu (moi-je) préfère l’offrande d’Abel,
en conséquence de quoi leur relation, à tous trois, se vicie définitivement,
devenant malsaine au point que Caïn, jaloux et frustré, tue Abel,
enfreignant l’un des commandements non encore dictés à Moïse :
« tu ne tueras point ».
Waouh ! Quelle imagination morbide !
Dément !
Après ça on s’étonne de l’état du monde et du manque de compassion…

Et dire que les Hébreux sont fiers d’être les élus autoproclamés d’Elohim.



Cette dynamique, avec une figure d’autorité au centre, ne génère que compétitions,
comparaisons, incompréhensions, malentendus, luttes, jalousies, envies
et donc, des motifs de conflits.
À quoi, il faut ajouter la corruption, la tricherie, les incessants mensonges, etc.
Le relationnel est complètement niqué. Il ne s’y écoule que des interférences.


L’emprise de l’ego (Dieu, dans le mythe) divise l’individu devenant aveugle et sourd,
ce qui l’enfonce dans la souffrance de l’idéalisation du bonheur,
qui se paie (offrandes).
Et cette souffrance intérieure, cet type d’individu veut l’imposer à tous,
ne connaissant que cette façon d’être en relation avec autrui.


En voyant ce qu’il se passe partout dans le monde en ce moment,
je ne peux m’empêcher de penser à ce mythe de Caïn et Abel.
J’y vois, dans cette légende biblique, une explication au sujet
des dissensions intérieures déchirant chaque être humain ;
et aussi,
ce qui déchire socialement les sociétés actuelles
comme la haine des riches envers les ouvriers et les pauvres,
la haine des blancs envers les autres couleurs de peau,
la haine des machos virils envers les femmes et les sensibles, etc.

Le récit de la Genèse, puis de Caïn et Abel,
n’agirait-il pas en faveur de ce qu’Hannah Arendt a nommé
« la banalisation du mal » ?

Le Diable n’existe pas.
Sauf si l’humain lui prête existence.


Tsssssssssssssssssss




5 commentaires:

  1. Eric,
    La conclusion est très forte elle éclaire beaucoup le reste, on le relit différemment.
    Je tourne autour de l'histoire d'Abel et Caïn depuis longtemps, je ne l'ai jamais racontée. Un jour peut-être ?
    Le jour où l'outil est devenu arme.
    Qu'est-ce qu'un objet, sans intention ?
    @ bientôt.

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    1. Nous y sommes en plein dedans, l'histoire d'Abel et Caïn...
      (Je reviens de ton blog et de youentube et chante, maintenant, la chanson
      de D. Super "on va tous crever". J'aime l'intention de ce chanteur déjanté...)
      A + Thierry

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  2. La question de Thierry me titille : "qu'est-ce qu'un objet, sans intention ?"

    De mon côté, ça me fait penser au fait qu'effectivement c'est l'intention qui tue, l'objet n'étant que le support matériel, le moyen de... ("l'outil est devenu arme").
    En premier, c'est l'intention qui tue, en se servant de...

    Cela me fait rebondir et ajouter qu'on peut tuer également avec des mots,
    ou par une attitude, un comportement, répétés (par exemple dans une famille,
    à force d'ignorer quelqu'un ou de systématiquement railler ce qu'il pense
    ou de le contredire, etc., cela finit par le "tuer").

    Il existe un nombre considérable de personnes qui se permettent de s'autoriser
    à penser-juger que d'autres personnes ne devraient pas vivre...
    Des Caïns, y en a plein dans le monde, beaucoup...
    Quelles intentions doivent avoir ce genre de personnes, les fachos par exemple ?
    Brrrr... (frissons froids dans le dos)

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  3. Eric,
    Oui l'intention qu'on porte sur l'objet, qu'on lui accorde.
    Il en est de même pour les mots du coup.
    Quand on touche à des histoires si profondes, cela va loin en effet.
    @+

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