La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

mardi 11 juin 2019

Se sentir seul parmi les fous

Un conte antique :
Khidr, le Maître de Moïse, donna un jour cet avertissement à l’humanité :
à une certaines date, toute l’eau disparaîtrait de la terre,
hormis celle qui aurait été spécialement mise en réserve.
Elle serait alors remplacée par une eau différente qui rendrait les hommes fous.
 
Il ne se trouva qu’un homme pour entendre le sens de ce conseil.
Il recueillit de l’eau et se rendit en un lieu sûr où il l’emmagasina ;
puis il attendit que changeât la nature de l’eau.
 
À la date fixée, les rivières cessèrent de couler, les puits se tarirent
et l’homme qui avait entendu, voyant ce qui arrivait,
gagna alors sa retraite et but de l’eau qu’il avait préservée.
 
Lorsqu’il vit, de son abri, que les cascades recommençaient à jaillir,
cet homme redescendit parmi les autres fils des hommes
et découvrit qu’ils pensaient et parlaient désormais tout autrement
et qu’ils ne gardaient aucun souvenir de ce qui était arrivé
ni de l’avertissement qu’ils avaient reçu.
Lorsqu’il essaya de leur parler, il s’aperçut qu’ils le prenaient pour un fou.
Ils lui témoignaient de l’hostilité ou de la compassion mais nulle compréhension.
 
Tout d’abord, il ne but pas une goutte de leur eau ;
au lieu de cela, il retournait chaque jour à sa cachette pour y puiser dans ses réserves.
 
Puis, finalement, il prit la décision de boire de cette eau-là,
parce qu’il ne pouvait plus supporter cette impression de solitude qu’il ressentait à vivre,
à se comporter et à penser d’une façon différente de celle de tous les autres.
Il but donc de l’eau nouvelle et devint semblable à eux.
 
Puis il oublia tout de sa réserve d’eau spéciale
et ses compagnons commencèrent à voir en lui un fou
qui aurait été miraculeusement rendu à la raison.

– Version de Sayed Sabir Ali-Shah

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4 commentaires:

  1. Selon ce conte, on ne pourrait donc pas penser seul autrement, ce serait trop difficile à supporter. Notre inéluctable chute est donc due à cet important problème de ne pas vouloir se sentir seul. On a toujours tendance à croire que la majorité détient la vérité, c'est bien dommage...Nous sommes donc des moutons ! Nous suivons la mode ou la loi du plus fort !

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    1. J'comprends aussi comme toi « ce serait trop difficile à supporter », concernant le sentiment (impression) de solitude.
      J'ajoute que face à trop de solitude, on peut aussi devenir fou.
      Je crois qu'en bonne partie, effectivement, on ne veut pas se sentir seul...,
      et pourtant, cette société capitaliste, ce Système, nous isole en cellule familiale...
      A + Vi

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  2. Très beau conte je ne le connaissais pas merci

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    1. C'est un conte de l'enseignement des Derviches.
      A + Thierry

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