La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. La peur tue l'esprit.
J'affronte ma peur. Je lui permets de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi.

samedi 15 avril 2017

Discipline et plaisir (II)



Le contrôle de soi et la pratique d’une discipline,
autant que se peut autodéterminés,
cela correspond à une étape, à une phase de développement ;
cela n’est pas une fin, « voilà, je me contrôle. »

À savoir : le contrôle est exercé par le surmoi* (notion psychanalytique).
Le surmoi, fonction psychique, est nécessaire dans une certaine mesure,
mais ce n’est pas au surmoi de commander, en soi-même,
car le surmoi nous rend la vie impossible,
et il est le produit de notre conditionnement
(éducation, instruction, imitation de modèles, etc.)

Le contrôle nous demande de l’énergie, beaucoup,
pour se contenir, pour effectuer ce que l’on s’impose,
pour tenir notre comportement durant les interactions, etc. ;
et pire, pour tendre vers des idéaux souvent inaccessibles ou contre-nature,
ce qui ne génère qu’insatisfactions (de ne pouvoir accéder à l’idéal).

En excès, le contrôle comme la discipline nous retiennent en arrière,
dans le passé, le connu, le manipulé, le déjà-vécu ;
c’est pourquoi le décalage entre soi et la Réalité augmente,
alors que le Plaisir (de vivre) diminue.

À long terme, le maintien d’un contrôle scinde notre personnalité en, au moins, deux parts :
- une part devenant de plus en plus tyrannique et intolérante,
- et une part devenant une triste victime, plaintive et recroquevillée dans l’ombre.
Moi-je (exerçant le contrôle) et l’autre (l’ombre).

La maîtrise consiste à lâcher le contrôle strict et sévère,
notamment afin de parvenir à réunir moi-je et l’autre.
Unification en soi, sentiment de plénitude.
Rapprochement, réajustement, avec la Réalité (naturelle).

Plus je me contrôle, moins j’éprouve de plaisir à vivre,
et plus je compense par de faux-plaisirs tout cuits et emballés,
qui, non seulement ne satisfont pas, mais tendent à diviser l’être.

De la sorte, une fois que l’on se contrôle,
que l’on parvient à un fonctionnement sain et harmonieux
(en évitant la course à la perfection),
encore s’agit-il d’accepter le lâcher-prise qui s’ensuit.

Comment vérifier, autrement, que l’on se contrôle vraiment ?

Il en va de même en ce qui concerne apprendre, emmagasiner des savoirs :
si, de temps en temps, on ne fait pas de la place, ça risque de déborder,
tel un verre que l’on ne cesserait de remplir, sans en boire le contenu.
C’est la raison pour laquelle certains préconisent de « désapprendre ».
Apprendre,
puis désapprendre,
c’est-à-dire lâcher prise,
sans se raccrocher aux données mémorisées,
sachant qu’elles émergeront d’elles-mêmes en cas de besoin.

C’est en lâchant prise et en faisant le vide en soi-même,
que l’on se rend compte de ce qui est acquis, assimilé.
Le principe est exactement le même en matière de contrôle
.

Tension – action – détente…

Voici ce que J. Krishnamurti a dit concernant le plaisir :
Nous sommes tous engagés à la poursuite du plaisir,
sous une forme ou l’autre, intellectuelle, sensuelle, culturelle (…)
Le plaisir est la structure même de la société. (…)
Il est important que chacun explore de très près cette question,
car trouver son plaisir et ensuite l’alimenter
est une exigence fondamentale de la vie,
sans laquelle l’existence deviendrait morne, stupide,
solitaire et n’aurait pas de sens.
(…) si vous voulez vous affranchir de la douleur,
il vous faut comprendre toute la structure du plaisir.
Comprendre le plaisir, ce n’est pas y renoncer.
(…)
C’est la lutte en vue de répéter et de perpétuer le plaisir qui devient souffrance. (…)
Vouloir cette répétition c’est inviter la douleur,
car l’expérience d’hier, répétée, n’est plus la même.
(…)
La vie dans le présent est la perception immédiate de la beauté
et de la délectation qu’elle comporte,
sans la recherche du plaisir qu’elle pourrait procurer.
(…)
La peur, le plaisir, la douleur, la pensée et la violence sont intimement reliés.

« Le plaisir est intimement relié à la violence ».

Vivre à l’encontre de soi-même est non-plaisir,
soit : c’est se faire violence.

Le Plaisir se ressent en vivant le plus possible ici et maintenant,
et, comme le disait Krishnamurti, sans Le chercher ni, surtout, L’imaginer.
Plus je suis dans le mouvement de la vie, moins je pense…
notamment à ce que je crois qu’il me manque ou qui serait mieux.

Le contrôle et la discipline réfrènent l’élan vital et donc, le Plaisir ;
alors que la maîtrise permet de laisser se déployer l’élan, avec art,
en s’économisant (économie d’énergie, afflux de force) soit,
en réagissant/agissant au mieux pour soi et dans le respect de l’autre
ainsi que de l’environnement naturel.

La maîtrise, pour moi, est un savant dosage entre :
- un contrôle exercé uniquement quand nécessaire,
avec légèreté et souplesse, en faisant le moins d’efforts possible,
- et le lâcher-prise, tant mental (pensées, idées, plans) que physique (le non-agir).

* * * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

Résumé des deux textes :

Apprendre à se connaître, à comprendre son fonctionnement,
en étant gentil, flexible, patient et pédagogue avec soi-même,
rusé aussi (notamment pour déjouer le surmoi) ; et sans complaisance**.
Mettre en place sa propre discipline, si souhaité et besoin, durant une période,
afin d’apprendre à se contrôler et, surtout, à trouver son équilibre, son bien-être.
Puis, relâcher.
Se laisser vivre.
Observer, s’observer.
Rectifier ou compenser ou transformer uniquement quand besoin…

Conscience et maîtrise de l’attention.

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Notes

* La notion de « surmoi » est brièvement définie dans le texte précédent
(de cette même rubrique) : conscience et attention.

** Merci à Betty H d’avoir évoqué, dans un com, la complaisance.

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Pensez-vous qu’elle ait un surmoi
et qu’elle s’en tienne à une discipline
stricte et rigoureuse,
elle,
pour être si belle :
 

?

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6 commentaires:

  1. Eric,
    Toujours et encore au coeur des contradictions toutes entrelassées. À croire que sans cela on se lasserait.
    @+

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    1. Ah mais... ben ça alors... TILT !!
      P'tre que c'est ça le plaisir : entrelacer les contradictions !
      ;))
      Salut Thierry

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  2. Ton résumé est parfait , quand on a appris à se connaître , on arrive à un mieux vivre , mais on peut aussi mettre des années à le faire ou toute une vie , puisque le chemin de la vie n'est que leçons et expériences , le but ultime étant la mort , je veux dire la fin , tous ces apprentissages sont la vie , et c'est ce qui m'importe , je suis heureuse Eric quand je possède une vérité ....Betty H

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    1. C'est ce qui se passe en chemin qui importe (avec les leçons et expériences), oui, alors autant en avoir conscience ;
      et, de la sorte on se sent vivre, mieux et plus intensément...

      On possède une vérité et "hop", la voilà dépassée,
      prenant déjà une autre forme.
      :)
      Salut Betty H

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  3. Joyeuses Pâques, Eric !
    (Et merci de tes passages)

    Elfine

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